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alléché concernait une « fille du pays, agente zélée de la Rouerie » chez qui était déposée une forte somme en faux assignats. Lalligand désirait vivement s’assurer par lui-même de la valeur de ces papiers ; il fit même une tentative dans ce sens, mais il lui fallut agir avec trop de ménagemens et l’entreprise échoua. Il reprit donc à petites journées, accompagné de Burthe, le chemin de Paris, cherchant quelque bon coup à faire en route. Tous deux, arrivés à Laval, « furent arrêtés par la garde et conduits à la municipalité ». L’espion, obligé de se faire connaître, se confia « à un excellent patriote, G… S…, qui lui témoigna une crainte extrême des aristocrates » dont les bandes parcouraient le pays, et se lamenta « de n’avoir aucun officier de mérite à mettre à la tête des soldats patriotes ». Lalligand, flairant une affaire, lui offrit immédiatement son compagnon Burthe dont il vanta « les talens militaires connus et éprouvés », et celui-ci se voyait déjà commandant en chef l’armée républicaine ; mais « l’excellent patriote G… S… » éprouva peut-être quelque doute touchant le savoir stratégique du personnage et détourna adroitement la conversation. Lalligand ne se décourageait pas pour si peu : il trouva instantanément un autre moyen d’exercer les facultés de son officieux : il le fit mettre en prison en lui recommandant de se donner, aux détenus dont regorgeaient les cachots de Laval, pour un des brigands pris les armes à la main et d’exciter les confidences de ses compagnons de captivité. Burthe se prêta de bonne grâce à ce nouveau rôle, et Lalligand-Morillon, persuadé qu’il devrait à ce stratagème la révélation d’importans secrets, se dirigea vers Rennes, cherchant aventure.

Nous ne le suivrons pas dans toutes ses intrigues ; les comptes rendus qu’il adressait à Lebrun, ministre des affaires étrangères, à qui était échue, après la démission de Danton, la conduite des événemens de Bretagne, ne sont que mensonges, hâbleries, fausses nouvelles : il suffit de noter ses déplacemens et de résumer les rapports prolixes qu’il envoyait à Paris à seule fin de se faire valoir.

Il n’y réunissait pas complètement, à en juger par une note conservée aux archives des Affaires étrangères et qui est ainsi conçue :


Affaires de Bretagne ; pièces secrètes, 31 octobre 1792.

Laisser aller Burthe à Jersey puisque son voyage a un but utile ; amuser Morillon.