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POUR LA FÊTE DU 1er MAI

La bibliothèque du parti socialiste allemand renferme une collection de petits volumes, d’une exécution typographique fort coquette, et dont le titre est : Poésie ouvrière allemande, choix de chants et de poésies par des prolétaires allemands. La plupart des auteurs qui figurent dans cette série sont, à dire vrai, d’anciens ouvriers, plutôt que des travailleurs manuels au sens propre du mot. Leurs dons intellectuels les ont amenés le plus souvent à des occupations différentes de leur premier gagne-pain. Ils se sont fait une place, soit dans le journalisme, soit même dans les affaires. Quelques-uns, comme le cigarier Lepp, travaillent encore de leurs mains, et l’autobiographie que ce dernier a placée en tête de ses œuvres offre un curieux mélange d’humilité clairvoyante, et de vanité littéraire. Plusieurs d’entre eux, comme Jacob Audorf, l’auteur de la Marseillaise des Travailleurs, le gracieux chansonnier populaire, ont joué un rôle actif dans l’histoire du parti socialiste.

Il faut l’avouer, leurs productions ne s’élèvent guère au-dessus d’une valeur moyenne. Pour trouver les véritables poètes du socialisme, il faudrait chercher parmi ces fils de la bourgeoisie, que l’ardeur de la jeunesse a exposés à la « rougeole littéraire », comme dit notre dramaturge, et qui, depuis lors, sont rentrés plus ou moins rapidement dans les cadres des partis bourgeois. Tel cet Arno Holz, inconstant ami, dont les socialistes allemands persistent à espérer l’alliance définitive, et dont le Livre du temps est l’œuvre d’un grand poète lyrique[1].

Sur cette honnête médiocrité de la « poésie ouvrière allemande »,

  1. Buch der Zeit, Berlin, 1892.