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Je distingue alors un mouvement dans la garde nationale qui est devant nous. Le grand portail de l’hôtel de ville s’ouvre, et les soldats improvisés de la veille grimpent au galop l’escalier et pénètrent sous la voûte du portique. L’incertitude et l’angoisse qui nous étreignent disparaissent, la foule se disperse en chantant pour célébrer sa victoire, et nous rentrons dans nos quartiers.

Dans la nuit du 31 juillet au 1er août arrivent des diligences apportant des journaux et le courrier. Lyon apprend la victoire du peuple de Paris, le départ de Charles X, l’installation du gouvernement provisoire et l’adoption du drapeau tricolore. Dès lors les événemens se précipitent.

Immédiatement des délégués partent en chaise de poste pour aller chercher à Mâcon le vieux général Verdier qui y vit modestement depuis 1815. Le général, vivement pressé, consent à venir à Lyon prendre le commandement des troupes et de la garde nationale. Il endosse son vieil uniforme de général du premier empire, revêt le grand cordon de la Légion d’honneur que lui a donné Napoléon, et séance tenante part pour Lyon, où il arrive le lendemain soir.

Dès que la chute de Charles X est officiellement connue, on lève notre consigne et nous pouvons nous promener librement dans la ville. Le drapeau tricolore est hissé sur tous les monumens publics ; les hommes fixent des cocardes à leurs chapeaux, les femmes, des flots de rubans à leurs corsages. Dans la rue, des bourgeois offrent des insignes tricolores aux officiers et aux soldats. Ceux-ci n’ont reçu aucune instruction ; ils les acceptent, mais ils n’osent pas les arborer à leurs shakos. Le soir les colonels donnent l’ordre de les prendre.

D’autres nouvelles arrivent successivement : on apprend la nomination du duc d’Orléans à la lieutenance générale du Royaume.

A peine le général Verdier, accouru en chaise de poste, a-t-il touché barres à Lyon, qu’on lui fait passer en revue la garde nationale sur la place des Terreaux. Il y a environ 5 000 à 6 000 hommes, presque tous des bourgeois aisés : beaucoup sont vêtus d’un superbe uniforme composé d’un habit bleu à revers blancs et à passepoils rouges. A part les shakos qui ont remplacé les chapeaux, ce sont les mêmes uniformes que ceux de la garde nationale de 1789.

Les troupes de ligne n’ont pas été convoquées ; mais comme nous ne sommes pas consignés, nous assistons à la revue en