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nouvelle majorité ressemblera beaucoup à l’ancienne. Il y aura quelques hommes changés, mais les élémens constitutifs de la Chambre ne le seront pas d’une manière sensible. Alors, pourquoi le ministère ne survivrait-il pas à sa victoire ? Pourquoi n’aiderait-il pas la Chambre nouvelle à traverser ces premières épreuves, mêlées de pièges, qui attendent les assemblées à leurs débuts ? Il faut le souhaiter. Mais la situation n’est pas encore assez nette pour qu’on puisse le prévoir et l’annoncer. Tous les partis, en ce moment, semblent se recueillir. Rarement ils se sont montrés aussi inertes. On ne peut donc qu’attendre, sans essayer de prédire dans quel sens se dénouera une situation dont le caractère immédiat est l’immobilité.


Au cours des élections, une question qui aurait pu avoir des conséquences graves si elle n’avait pas été résolue au plus vite, s’est trouvée subitement posée ; elle l’a été, d’ailleurs, avec des conditions à peu près analogues, dans une grande partie de l’Europe : nous voulons parler de la cherté du pain. Le prix du pain a subitement augmenté d’une manière inquiétante, et déjà l’émotion populaire commençait à se manifester lorsque le Gouvernement, bien inspiré ou bien conseillé, a usé du pouvoir que lui donne la loi de suspendre provisoirement les droits d’entrée sur le blé et sur ses dérivés, c’est-à-dire sur la farine et sur le pair. M. Méline n’a cédé qu’à la dernière extrémité ; ses convictions protectionnistes prennent volontiers une forme inflexible ; il lui en a coûté certainement de faire une concession aux circonstances ; mais il est avant tout un homme de bon sens. Il ne laisserait pas périr les colonies, encore moins la métropole, plutôt qu’un prétendu principe, qui n’a d’autre but que de les sauver. Au reste, il y a eu, dans les causes de la crise, quelque chose de tout à fait exceptionnel, et par conséquent de nature à ménager les amours-propres : le mal est venu de la guerre qui a éclaté entre les États-Unis et l’Espagne. Il y avait là un cas de force majeure, qui dérangeait les prévisions les mieux établies. Quel que soit d’ailleurs le motif de la mesure prise, il a fallu la prendre, et il demeure établi que, lorsque le prix du pain dépasse un certain chiffre, l’intérêt du producteur doit céder tout de suite devant celui du consommateur. On sait que la dernière récolte en céréales a été très mauvaise en Europe. Si les voies de communication n’étaient pas devenues aussi faciles et aussi rapides d’une extrémité à l’autre du monde, nous aurions été exposés aux pires privations. C’est ainsi que les famines se produisaient au moyen âge. Aujourd’hui, quand il n’y a pas de blé en France, il y