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LE PEUPLE GREC.

ont exercé la principale influence, grâce aux communications qu’elles permirent entre les esprits les plus affinés de l’époque. Sans accorder à la race une action aussi omnipotente qu’il était de mode à l’époque de Taine et de Renan, il est cependant incontestable que, surtout dans l’antiquité, la race expliquait les traits dominans du caractère national. Mais ceux qui parlent du « génie de la race grecque » oublient que celle-ci n’est pas une. On a beaucoup discuté sur les plus anciens habitans de la Grèce, les Pélasges. Il semble aujourd’hui démontré qu’ils appartenaient surtout à la première des trois grandes races qui ont peuplé l’Europe, à la race « méditerranéenne » homo mediterraneus, dont le crâne est allongé, les cheveux et les yeux noirs, la taille moyenne ; race énergique et vive, aux passions ardentes et concentrées, très intelligente, d’une volonté patiente et opiniâtre. D’après la tradition grecque, les murs de Tirynthe et de Mycènes, ainsi que la fameuse porte des Lions, furent construits par des Cyclopes ou Pélasges ; il y avait aussi, d’après l’Odyssée, des Cyclopes en Sicile ; enfin, on sait qu’il existe en Italie des constructions cyclopéennes, probablement antérieures à celles de Grèce. Les Pélasges étaient donc de ces Méditerranéens qu’on appelle en Italie Étrusques, Sardes et Siciliens ; en Grèce, Minyens, Lélèges et Cariens ; ils appartenaient à l’antique race qui a couvert jadis une grande partie de l’Europe : Ibères, vieux figures, etc., et qui, en France, se nomme race de Cro-Magnon.

Le principal résultat des découvertes qui se sont succédé depuis un demi-siècle, c’est d’avoir dissipé le « mirage oriental » ; on n’admet plus aujourd’hui la prétendue origine asiatique de la première civilisation gréco-italienne. L’Orient sémitique ou Kouschite n’a eu aucune influence, à l’époque de la pierre polie ou au début de l’ère des métaux, sur l’Europe centrale, septentrionale et occidentale. C’est à une époque postérieure, celle du commerce maritime des Phéniciens (à partir du XIIIe siècle environ avant Jésus-Christ), que la civilisation occidentale subit l’influence de l’Asie. Los fouilles de Troie, de Chypre, de Mycènes, de Tirynthe, de la Basse-Egypte nous ont livré de merveilleux documens qui ont bouleversé tout le système des partisans de l’Orient. Ces découvertes ont montré que les prétendus « barbares » d’Europe, du moins ceux du Sud, au moment où ils entrèrent en contact avec l’Orient, avaient déjà un long passé de civilisation. Les peuples méditerranéens, au XVe siècle et aupara-