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réparations indispensables. » Le délai normal du séjour fixé par certaines déclarations de neutralité part évidemment du moment où cesse la nécessité de la relâche.

Les deux règles que nous venons d’exposer s’appliquent-elles aux corsaires comme à la marine nationale proprement dite ?

En fait, tous les États neutres ne suivent pas la même ligne de conduite. Par exemple, l’ordonnance italienne de 1864, concernant la neutralité dans les ports, mise en vigueur par décret royal du 26 juillet 1870, place expressément sur le même plan les corsaires et les vaisseaux de guerre proprement dits[1]. L’Espagne avait procédé de même pendant la guerre de Sécession. La déclaration française d’avril 1898 ne distingue pas davantage. D’autres puissances, sans fermer absolument les ports neutres aux corsaires, ne leur accordent pas le même traitement qu’aux navires de guerre proprement dits[2]. Quelques-unes, comme la Suède et la Norvège, en ouvrant leurs ports à tous les autres navires des belligérans, les ferment aux corsaires[3]. C’est ainsi que procèdent, dans la guerre actuelle, le Portugal et la République haïtienne[4]. Or ces derniers États, en déniant aux navires armés en course ce qu’ils pourraient, à la rigueur, refuser aux bâtimens de la marine nationale, usent assurément de leur droit. Ils ne l’excéderaient pas encore, à notre avis, alors qu’ils ont souscrit au pacte de 1856, en refusant, même « en cas de détresse », l’accès de leurs eaux territoriales aux corsaires qui naviguent sous le pavillon d’un État signataire de la déclaration[5], et qu’ils peuvent, en conséquence, assimiler à des pirates. Mais ils manqueraient à un devoir international s’ils refusaient l’asile, dans le même cas, aux corsaires naviguant sous le pavillon d’un État dissident et munis de leurs papiers. Ce genre d’assistance, écrivait Bluntschli, est commandé par l’humanité. Or il n’y a pas de motif pour mettre des marins protégés par l’alinéa final de la déclaration hors la loi de l’humanité.

L’Espagne et les États-Unis ont adhéré, dès le début des hostilités, à la seconde et à la troisième maximes contenues dans la Déclaration de Paris : « Le pavillon neutre couvre la

  1. Voir le texte des articles 1, 2, 8, 11.
  2. Voir, entre autres documens, l’avis du gouvernement néerlandais (art. 3 et 4), daté de la Haye le 20 juillet 1870.
  3. Circulaire suédoise du 15 décembre 1853.
  4. Voir le Journal des Débats du 30 avril et du 1er mai 1898.
  5. Sauf le cas où les mesures prises par un belligérant non signataire légitimeraient l’emploi des arméniens en course par voie de rétorsion.