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intérieurs, comme l’ordonnance danoise du 16 février 1864 et l’ordonnance italienne du 20 juin 1866, énoncent qu’aucun navire de commerce ne peut avoir accès dans les lieux bloqués : l’entrée du port ne serait donc pas interdite aux vaisseaux de guerre, même portant des marchandises ; et c’est ainsi que, pendant la guerre de Sécession, le gouvernement fédéral, fidèle à ses instructions du 24 décembre 1846, laissa formellement aux vaisseaux de guerre des neutres le droit d’entrer dans les ports interdits et d’en sortir[1]. Donc le caractère effectif du blocus ne saurait être contesté sous prétexte que l’aviso français Fulton aurait quitté la Havane sans être inquiété, se dirigeant vers la Vera-Cruz avec des réfugiés espagnols[2] ou qu’on aurait laissé pénétrer librement dans le même port notre vaisseau le Dubourdieu. L’État bloquant a fait souvent une autre exception pour les paquebots de correspondances ; par exemple, avant la déclaration de Paris, les États-Unis eux-mêmes dans leurs instructions du 14 mai 1846 relatives au blocus de certains ports mexicains ; et après la déclaration de Paris, en 1862, la France, qui laissa continuer le service du paquebot anglais, en dépit d’un blocus sévère, avec le port de Tampico[3]. En 1863, pendant la guerre de Sécession, le Peterhof, bâtiment de commerce anglais chargé de la malle publique, fut assurément confisqué, mais parce qu’il voulait introduire dans le port bloqué des marchandises neutres : en lisant l’arrêt de confiscation (1er août 1863)[4], on s’aperçoit aisément que, s’il n’avait transporté que la malle, on ne l’aurait pas écarté de la place investie. Le président Mac Kinley a donc pu déclarer, dans sa proclamation du 26 avril, que « les courriers ne seraient pas inquiétés, si ce n’est au cas de suspicion fondée ». Grotius élargissait bien autrement le cercle des exceptions.

Les neutres pouvaient déjà, au contraire, contester le caractère effectif du blocus en faisant observer que le paquebot espagnol Montserrat avait deux fois, sans difficulté, trompé la surveillance des croiseurs américains, d’abord en pénétrant à Cienfuegos avec les troupes qu’il amenait d’Espagne, puis en contournant la côte occidentale de Cuba et en entrant à la Havane. Mais la

  1. M. Seward à M. Tassara, ministre d’Espagne (2 mai 1861) ; lord Lyons au contre-amiral sir Milne (11 mai 1861). Archives diplomatiques, 1861, III, 443.
  2. Dépêche de Key-West adressée le 10 mai à tous les journaux.
  3. M. Drouyn de Lhuys exprima, mais inutilement, le même désir au gouvernement espagnol en 1865, au cours du différend hispano-chilien.
  4. Archives diplomatiques, 1863, IV, 105 à 109.