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l’établissement, et peu de jours après, elles périssaient sur l’échafaud. Cette catastrophe répandit la consternation chez Belhomme ; lui-même s’y montra sensible, tout en faisant remarquer, pour l’exemple, « que ces dames périssaient victimes d’une économie mal entendue. »


Lalligand-Morillon, comme on peut penser, trouvait la vie bonne et la révolution vraiment admirable. Depuis qu’il connaissait la manière de s’en servir et qu’il avait acquis le tour de main, son ambition ne voyait plus de bornes, et il s’ingéniait à chercher quelle récompense il pourrait bien réclamer à ce gouvernement libéral qu’il servait avec tant d’ardeur.

Il avait dans son passé une peccadille assez gênante. Avant d’être employé par le Comité de sûreté générale, Lalligand avait connu des jours pénibles. Réduit à la dure nécessité de travailler pour vivre, il avait choisi un métier rapidement productif et s’était établi faux monnayeur. Retiré dans une maison de campagne au Mont, entre Paray et Digoin, mettant à profit son talent de graveur, il eut vite fabriqué des coins et un balancier et il se mit à frapper des louis de pur cuivre qui valaient trois sols. Dénoncé et arrêté avec son père qui l’assistait dans son industrie, tous deux s’entendirent condamner, le 20 octobre 1791 à quinze ans de fers et à la confiscation du matériel saisi à la maison du Mont ; s’entendirent est une façon de parler, car le jugement fut prononcé par contumace, les deux bandits ayant, dès la veille, 19 octobre, cru prudent de s’échapper de leur cachot et de prendre la clef des champs. Un second arrêt se greffa sur le premier, concernant le bris de prison dont s’étaient rendus coupables les deux faux monnayeurs.

Tel était le péché de jeunesse dont le souvenir troublait Lalligand. Non point qu’il eût des remords, mais il pouvait se trouver des gens à préjugés dont l’étroitesse d’idées se serait offusquée de voir le Comité de sûreté générale déléguer son autorité à un échappé du bagne. Ce souvenir fâcheux ne l’avait point empêché, on l’a vu, d’obtenir les bonnes grâces de Danton. Pourtant, Lalligand s’en préoccupait, et le jour où, après son retour de Bretagne, il se crut en droit d’obtenir une couronne civique, l’idée lui vint de solliciter l’annulation de l’arrêt qui l’avait frappé.

Ah ! la belle supplique qu’il écrivit à la Convention !

Une procédure criminelle a été intentée contre moi en 1791 par le