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tribunal d’Autun ; j’ai été arrêté, mes biens ont été mis sous séquestre. Il est vrai qu’on n’a pas osé donner suite à cette œuvre de ténèbres, mais enfin il subsiste encore et-je ne jouis pas de ma fortune.

Après les services que j’ai rendus, vous jugerez sans doute que je ne dois point être privé de toutes subsistances ni continuellement menacé par la malveillance, si elle jugeait à propos de reprendre cette vieille procédure. Je demande que le séquestre ou saisie de mes propriétés soit provisoirement levé…

La Convention s’empressa de déférer à une si légitime réclamation : le jour même, elle décrétait que tous les originaux de la procédure instruite contre Lalligand « seraient enlevés au greffe du tribunal d’Autun, et qu’il rentrerait dans la jouissance de ses biens. » Ses biens, c’étaient les coins, le balancier et les faux écus, saisis chez lui en juillet 1791.

A la réception de ce décret et de la lettre transmissive qu’adressait au district d’Autun le ministre de la Justice Gohier, le greffier du tribunal de Saône-et-Loire n’eut pas un instant d’hésitation : il renvoya lettre et décret au ministre en appelant son attention sur ces pièces qui ne pouvaient être que des faux, si évidemment faux qu’il était, heureusement, impossible de s’y laisser prendre. Le brave homme s’attendait à des complimens pour sa perspicacité. Quelle dut être sa stupeur en recevant une nouvelle lettre du ministre, qui, d’un ton assez embarrassé, il est vrai, réitérait sa demande :

Je ne saurais entrer, disait-il, dans l’examen des motifs qui ont déterminé la Convention nationale à rendre un décret que je dois me borner à faire exécuter ; je vous prie de ne pas tarder à m’envoyer les pièces qui doivent être par moi transmises sans délai au Comité de sûreté générale.

Le Ministre de la Justice,

GOHIER.


Les membres du tribunal d’Autun délibérèrent : ce qu’on leur demandait était si grave qu’ils tentèrent un dernier effort pour faire revenir le ministre sur sa détermination : ils objectèrent donc que Lalligand-Morillon n’était pas seul visé par les pièces en litige et que l’exécution du décret ne tendrait à rien de moins qu’à innocenter deux criminels.

Le ministre Gohier, tremblant pour sa tête, communiqua cette lettre au Comité de sûreté générale. Ce comité était alors composé, entre autres membres, de Rovère, l’ami de Lalligand, de Carrier, de Legendre, de Chabot, d’Ingrand, de Bernard de Saintes, de