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vance » animique à la conception morale et sociale de la « rétribution ». Germains, Galates et Hellènes, ici encore, se montrent proches parens.


IV

Artistes en pensées comme ils l’étaient pour tout le reste, les Grecs devaient être des philosophes et ébaucher ou achever tous les systèmes métaphysiques : ils devaient aussi, grâce à ce noble jeu des facultés intellectuelles auquel ils se complurent, fonder les sciences déductives, entrevoir même une multitude de vérités inductives ; mais leur intellectualisme artiste devait les empêcher de parvenir à la vraie science expérimentale.

Pourquoi, d’abord, le caractère grec se prêtait-il merveilleusement à l’essor de la haute philosophie ? C’est que celle-ci est, en grande partie, un art, par cela même qu’elle est une spéculation sur un ensemble que la science positive ne peut tout entier saisir. Un peuple qui aime à ordonner les idées, comme il aime à ordonner les formes, un peuple amoureux de la vérité pour la satisfaction qu’elle donne à l’intelligence, comme il est amoureux de la beauté pour la satisfaction qu’elle donne aux sens et à l’imagination, un tel peuple sera spéculatif ; et il n’aura pas de repos qu’il n’ait épuisé toutes les hypothèses, toutes les constructions intellectuelles ; il élèvera, sous la pleine lumière du ciel intelligible, des Parthénons métaphysiques.

Parmi les sciences, il en est une qui, toute spéculative en son essence, voisine par-là de la construction philosophique, n’est qu’une longue série de notions enchaînées par un lien nécessaire : la mathématique. Elle devait être, elle aussi, le triomphe de la pensée grecque. Raisonner pour raisonner, sans autre souci que la rigueur et l’élégance des démonstrations, s’enchanter soi-même aux merveilleuses propriétés des nombres, découvrir dans les combinaisons géométriques des figures, avec les lois des formes, les premiers rudimens de la beauté, quelle joie pour des penseurs épris de l’ordre et de l’harmonie, qui avaient donné au monde le nom de Cosmos !

Mais la vérité, pour nous, hommes, qui ne la saisissons qu’abstraite, n’est pas la réalité même ; l’idée n’est pas le fait, l’ « intelligible » n’est pas le « sensible », le rationnel n’est pas l’expérimental. C’est ici que l’esprit grec devait échouer, par le