Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 147.djvu/862

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la moyenne du territoire français avait passé de 4 à 7 francs, puis à 12 francs. Et comme la valeur relative des métaux précieux demeurait le triple de la nôtre, les 12 francs de 1551-1575 correspondaient à 36 francs de 1898. Le blé coûtait donc à cette date 80 pour 100 de plus qu’aujourd’hui. Il est présumable que déjà ces cours excessifs provoquaient une grande misère ; d’autant que leur irrégularité ancienne, compagne inséparable des époques troublées, recommence : en 1555, l’hectolitre se vend 7 francs à Strasbourg, 16 francs en Languedoc et 30 francs à Lille, qui eut au reste, durant toute la seconde moitié du XVIe siècle, ce fâcheux privilège de tenir constamment la tête des mercuriales. Il est très rare que cette primauté lui soit enlevée.

Si nous parcourons la France en 1572, l’année de la Saint-Barthélémy, nous trouverons, pour l’hectolitre de blé, une échelle de chiffres qui commence par 1 fr. 35 à Caen, et finit par 33 francs à Tulle. Entre ces deux extrêmes on « cotait », suivant la formule des bulletins commerciaux d’aujourd’hui, à qui ces pages d’histoire — nécessairement arides — ressemblent trop sans doute au gré du lecteur, on cotait 15 francs à Nîmes et 26 francs à Paris.

Sous Henri III, et dans les derniers vingt-cinq ans du siècle, les chiffres de 30 et 40 francs ne sont presque plus extraordinaires. Ce cycle de cent années, qui avait vu à son aurore les prix les plus bas que l’on puisse noter de 1200 à 1800, vit à son déclin les cours les plus hauts de toute la monarchie. Trois ans après l’avènement nominal de Henri IV, au fort de la Ligue, en 1592, la moyenne des prix fut de 35 francs, avec une gradation débutant à 8 francs dans l’Indre, passant à 14 francs à Châteaudun, à 16 francs à Orléans, 22 francs à Lille, 30 à Paris, 40 à Brive et se terminant à 66 francs à Marseille et à 79 francs à Albi. Les moyennes des années 1595 et 1596 sont de 47 et 43 francs. Nul ne songerait à nier que les guerres civiles et étrangères aient influencé très fortement les cours des céréales ; la température y joua sans doute quelque rôle ; mais l’accroissement de la population fut à coup sûr l’une des causes prédominantes. Le même phénomène se faisait sentir chez nos voisins, les Anglais, où le blé valut, en 1590-1600, 15 fr. 50 l’hectolitre ; après avoir coûté dans les périodes antérieures, 10, 7 et jusqu’à 3 fr. 50 en 1510. Chez nous il était passé, durant le même laps de temps de 4 à 20 francs. Or il est clair que la valeur des monnaies n’avait pas diminué de 5 à 1, ni d’un côté du détroit ni de l’autre. Le prix de 20 francs