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pas les réaliser. En Italie, on avait commencé par leur donner plus que des espérances : on leur avait donné du travail, et elles s’étaient habituées à croire qu’elles en auraient toujours. On sait quelles véritables débauches de constructions neuves ont eu lieu dans un grand nombre de grandes villes, et à Rome, tout d’abord. Les campagnes se sont dépeuplées pour fournir la main-d’œuvre à ces vastes entreprises. Le contrecoup était inévitable. Les travaux des villes ont dû être interrompus ou suspendus, et les ouvriers n’ont pas tardé à devenir des mécontens, parce qu’ils étaient des malheureux. Ils sont alors tombés sous la main des politiciens. Qu’il y ait eu là une cause, et une des causes les plus actives des dernières émeutes, cela est indubitable ; mais ce qui est moins certain, c’est que des mesures de simple-rigueur suffisent à y remédier. Quant au clergé, sa participation aux événemens, bien qu’elle soit dénoncée avec passion par M. Zanardelli et par ses amis, est loin d’être démontrée. On a cité quelques faits qui, en vérité, ne prouvent rien. Que des prêtres isolés aient commis des maladresses, soit ; mais le nombre et l’importance en ont été démesurément grossis. Que des émeutiers de Milan se soient réfugiés dans un couvent de capucins, il faut bien le croire, puisque le général Bava-Beccaris a jugé à propos de prendre ce couvent par la force, et même d’user du canon pour y faire brèche ; mais cette démonstration était-elle bien nécessaire ? Tout le monde n’en est pas également convaincu. Reste l’attitude personnelle du cardinal Ferrari, archevêque de Milan. Personne ne l’a approuvée, pas plus le pape Léon XIII que le général Bava-Beccaris, bien qu’ils l’aient qualifiée en termes différens. On sait que le cardinal Ferrari, dès le second jour des émeutes, est parti en tournée épiscopale et a quitté Milan. Il aurait dû, au contraire, s’il avait été en tournée épiscopale, s’empresser de rentrer dans son archevêché. Là, incontestablement, était sa place, et il faut regretter qu’il ne l’ait pas compris. Le général Bava-Beccaris le lui a fait sentir avec rudesse par la lettre suivante : « Je déplore vivement qu’une malheureuse circonstance n’ait pas permis à Votre Éminence de se trouver dans la ville pendant les douloureux jours, maintenant passés. Il aurait été de la plus haute utilité que le clergé de Milan, recevant une inspiration directe de celui qui siège sur le trône de saint Ambroise et de saint Charles, ait prononcé sans retard une parole de paix et offert son ministère pour abréger une sanglante lutte fratricide. » Nous ne savons pas si l’intervention du cardinal Ferrari aurait suffi pour arrêter l’effusion du sang ; mais, à coup sûr, saint Ambroise et saint Charles Borromée n’auraient pas abandonné leur