Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 147.djvu/959

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

collègue de M. Crispi, et il aurait apporté avec lui des solidarités rétrospectives très inquiétantes. Quel que soit son incontestable mérite, sa place n’est pas dans un cabinet Rudini. Il l’a compris, et son refus a été péremptoire. Le général Pelloux n’a pas voulu abandonner son grand commandement militaire pour entrer aux Affaires étrangères, qu’on lui offrait. Pourquoi les Affaires étrangères ? Le général Pelloux a préféré rester où il est et continuer de faire son métier : il a eu raison.

Tout le monde a été frappé de la quantité de militaires que M. di Rudini a fait entrer dans son cabinet, et on voit qu’il en voulait un de plus. Il a déjà le général di San Marzano à la Guerre et l’amiral Canevaro à la Marine ; rien de mieux, assurément ; mais on est plus surpris de voir le général Afan de Rivera aux Travaux publics, et on l’aurait été un peu plus encore de voir un quatrième général chargé des plus hauts intérêts diplomatiques de l’Italie. Cette préoccupation de se militariser toujours davantage est un symptôme qui ne saurait passer inaperçu. Il est bien vrai que, dans la défaillance un peu générale qui vient de se produire, l’armée a rempli tout son devoir, devoir douloureux sans doute, mais pourtant sacré. On a généralement rendu justice à la correction des officiers et des soldats. Ce n’est pourtant pas une raison pour mettre des généraux partout et pour n’avoir confiance qu’en eux, ou du moins pour en avoir l’air. Avec un ministère ainsi constitué, et d’après les tendances qu’il révèle, on peut être sûr que le poids militaire qui pèse sur l’Italie ne sera pas allégé : qui sait même s’il ne sera pas aggravé ? Néanmoins, tout le monde s’accorde à reconnaître qu’une des causes principales du malaise général vient de l’exagération des charges militaires. On l’avoue, mais on n’y change rien. On croit trouver dans l’armée seule une garantie contre le mal dont elle est, en grande partie, la cause ; ce qui ressemble à un cercle vicieux. C’est que tout se tient dans la chaîne de conséquences dont le premier anneau est la participation de l’Italie à la Triple Alliance. Nous n’insisterons pas sur ce point de vue ; il est familier à nos lecteurs. Que rien ne doive être modifié à cette politique, la nomination de M. Capelli aux Affaires étrangères en serait une preuve de plus, s’il en était besoin. M. le marquis Capelli a été autrefois sous-secrétaire d’État du comte Robilant, et, il y a quelques mois encore, il prenait avec ardeur, dans une lettre publique, la défense de son ancien chef et de sa politique. Il est un partisan très résolu de la Triple Alliance. Cela, d’ailleurs, ne doit inspirer aucune inquiétude en ce qui concerne les rapports de l’Italie avec d’autres puissances, et par exemple avec nous. M. Capelli est avisé et prudent, et il y a tout lieu de croire qu’il s’inspirera des méthodes de M. Visconti-Venosta au lieu