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noirs prennent une petite baguette et y enroulent des filamens imperceptibles de caoutchouc, qu’ils tirent de la plante comme on retirerait de la soie de la bouche d’un ver à soie ; ils en forment ainsi des fuseaux ou de véritables pelotons. Les Européens obtiennent la coagulation du latex par la chaleur artificielle ou en traitant la matière avec des réactifs minéraux ou végétaux. Parmi ces derniers, il en est un tiré d’une plante, la Bossanga, qui a été découverte en 1893 et qui est très répandue au Congo. Le latex coagulé par le jus de la bossanga donne un caoutchouc d’une qualité irréprochable et très recherché des acheteurs. Grâce à l’emploi de ce réactif qui est à la portée des noirs, le prix du kilogramme de caoutchouc s’est élevé de 4 fr. 50 à 6 fr. 50.

Outre les lianes gummifères qui croissent spontanément dans le bassin du Congo, l’Etat Indépendant a introduit, à très grands frais, dans ses possessions, les meilleures essences à caoutchouc de l’Asie et de l’Amérique qui commencent à donner de très beaux rendemens. Deux chiffres donneront une idée du prodigieux développement pris par l’exploitation du caoutchouc dans la région du Congo. En 1887, Anvers en importait 30 000 kilogrammes ; en 1896, neuf ans après, l’importation s’élève à 1 493 000 kilogrammes représentant une valeur de plus de sept millions de francs. Ce port vient aujourd’hui en quatrième ligne, après Liverpool, Londres et le Havre, pour le commerce du caoutchouc ; mais la progression constante de son marché, malgré les difficultés de transport dans la région des chutes, lui assurera bientôt la seconde place et, le jour prochain où ces difficultés auront été supprimées, Anvers deviendra le premier marché du monde pour le caoutchouc, comme il l’est déjà pour l’ivoire.

Il ne m’est pas possible de passer en revue, même rapidement, les divers produits qui, en dehors du caoutchouc et de l’ivoire, doivent être les élémens d’un trafic rémunérateur pour les capitaux européens engagés au Congo. Le palmier élaïs, cet arbre merveilleux des tropiques, mériterait à lui seul une étude détaillée. « Aux indigènes, il donne ses feuilles pour couvrir leurs huttes, ses fibres pour tisser des étoffes, son huile qui remplace le beurre, sa sève, délicieux breuvage, son cœur, mangé comme un légume et son fruit, comme un dessert. » A l’Europe, il fournit ses huiles importées annuellement par plusieurs centaines de mille tonnes, et employées dans la savonnerie. Il faut mentionner aussi, parmi les cultures d’avenir introduites au Congo, celles du café, du cacao