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représentée à la grande conférence de Berlin (1884-1885), allait sous les auspices de l’Allemagne, être définitivement introduite dans le droit public de l’Europe et porter désormais le nom d’État Indépendant du Congo. Ce fut à S. M. le roi des Belges, le fondateur et le président de l’Association Internationale Africaine, que les membres du Congrès offrirent la nouvelle couronne.

Au lendemain de la conférence de Berlin, le roi Léopold dut solliciter des Chambres belges l’autorisation de devenir le chef de l’État Indépendant. « Roi des Belges, écrivit-il à ses ministres, je serais en même temps souverain d’un autre État. Cet État serait indépendant comme la Belgique et il jouirait comme elle des bienfaits de la neutralité. Il aurait à suffire à ses besoins, et l’expérience, comme l’exemple des colonies voisines, m’autorisent à affirmer qu’il disposerait des ressources nécessaires. Sa défense et sa police reposeraient sur des forces africaines commandées par des volontaires européens. Il n’y aurait donc entre la Belgique et l’État nouveau qu’un lien personnel. » Les Chambres votèrent l’autorisation dans les termes suivans : « S. M. Léopold II, roi des Belges, est autorisé à être le chef de l’État fondé en Afrique par l’Association Internationale Africaine. L’union entre la Belgique et le nouvel État sera exclusivement personnelle. »

Telle fut la genèse de l’État Indépendant, et j’avais raison de dire, en commençant son histoire, que sa naissance, sans être illégitime, était assez compliquée. L’opinion publique fut très agitée en Belgique par cet événement ; elle se divisa en congophobes et congophiles, voire en congolâtres. Les premiers, les plus nombreux, recrutés dans tous les partis politiques, prédirent que l’union personnelle des deux couronnes ne serait qu’une vaine formule, et qu’en dépit des assurances contraires de la lettre royale, la Belgique serait entraînée à des octrois de subsides et à des garanties d’emprunt ; le nouveau royaume africain serait un gouffre pour les finances belges ; il fallait se garder, en favorisant par déférence une fantaisie royale, de lancer le pays dans les aventures de la politique coloniale. Assez de vaillans officiers, détachés au service de l’Association Internationale Africaine, avaient trouvé la mort sous le climat meurtrier du Congo. D’ailleurs cet immense domaine, placé sous le régime de la liberté commerciale par l’Acte de Berlin, ne pouvait être qu’un médiocre débouché pour l’industrie belge. Les congophiles, en petit nombre, leur opposaient que, tout au contraire, l’union personnelle des deux couronnes donnait