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est arbitraire ; il a varié de toutes les manières dans le cours des temps.

Chez les Grecs comme chez les Chinois et les Hébreux, il avait lieu à la fin du jour, c’est-à-dire à la première heure de nuit. La même coutume, de placer le changement de date, c’est-à-dire le début du jour civil au coucher du soleil, a longtemps persisté dans diverses contrées de l’Europe, en Autriche, en Bohême, en Pologne. Au siècle dernier, dans certaines parties de l’Italie, on faisait encore finir et recommencer le jour à l’heure du crépuscule, à six heures du soir. La tombée de la nuit indiquait la première heure : notre minuit actuel était, dans ce système, la sixième heure. Les Italiens continuaient d’ailleurs à noter les heures au-delà de douze : sept heures du matin était leur treizième heure ; midi leur dix-huitième ; à six heures du soir ils comptaient 24.

L’usage a prévalu, dans l’Europe contemporaine, de placer à minuit l’origine de l’heure ; il remonte, paraît-il, aux Egyptiens. Il semble d’ailleurs très rationnel, en ce qu’il atténue le côté choquant que le « saut d’un jour » présente à raison de sa brusquerie et de son caractère conventionnel. par-là, le changement de date tombe en effet dans la période du repos et de la moindre activité sociale, et il a plus de chance de passer inaperçu. Ce point de départ offre encore l’avantage tout théorique et très accessoire de faire concorder l’origine des temps avec celle des heures. L’ère chrétienne date, en effet, d’un événement, la naissance de Jésus-Christ, dont la convention Dionysienne a fixé l’année (753 de Rome) et l’heure, voisine précisément de minuit.

La même considération du saut de date a conduit les astronomes, dont les observations sont surtout nocturnes, à adopter une notation contraire à l’habitude commune ; ils font partir le jour de midi. Ils évitent ainsi la complication du changement de date au cours de leur travail. Cette notation n’offre d’ailleurs pas d’autre avantage. Elle fut autrefois en vigueur chez les Arabes, qui, adoptèrent en cela les conseils de leurs astronomes. Il est possible qu’elle soit abandonnée avant longtemps. Les délégués compétens réunis en Congrès à Washington, en 1884, ont été d’avis qu’il convenait de prendre pour le jour astronomique le même point de départ que pour le jour civil. Mettre l’origine du jour en son milieu semble en effet, pour le public qui a d’autres habitudes, un procédé aussi peu raisonnable, comme le dit M. Cas-pari, que de mesurer la taille d’un homme en partant de la ceinture.