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cependant j’aimerais à citer, comme tout à fait supérieur, un morceau sur la moralité et la croyance, à propos d’Octave Feuillet, par le Révérend M. D. Coussirat, de l’Université de France, professeur d’hébreu et de littérature orientale à l’Université Mac Gill. Le poète attitré du Canada, Fréchette, était présent. Il nous dit un poème patriotique, éclos au milieu des terribles nouvelles du bombardement de Paris en 1870 :

Tandis que d’un œil sec d’autres regardaient faire,
………….
Par-delà l’Atlantique, aux champs du Nouveau Monde,
Que le bleu Saint-Laurent arrose de son onde,
Des fils de l’Armorique et du vieux sol normand,
Des Français, qu’un roi vil avait vendus gaîment,
Une humble nation qu’encore à peine née,
Sa mère avait un jour, hélas ! abandonnée,
Vers celle que chacun reniait à son tour
Tendit les bras avec un indicible amour.
La voix du sang parla, la sainte idolâtrie
Que dans tout noble cœur Dieu mit pour la patrie
Se réveilla chez tous…


et, avec une émotion accrue par celle de son auditoire, le poète répète ce cri qu’alors poussa un million de voix : « Vive la France ! Il dit comment, à Québec, dans le quartier des fabriques, le faubourg Saint-Roch, la Marseillaise, une Marseillaise bien détournée du sens révolutionnaire, éclata tout à coup :

C’était le vieux faubourg,
Qui grondant comme un flot que l’ouragan refoule,
Gagnait la haute ville et se ruait en foule
Autour du consulat…

Et voilà qu’un homme de la troupe, un forgeron, le scapulaire au cou, parle : il annonce que lui et les siens sont prêts à partir.

«… Prenez toujours cinq cents.
Et dix mille demain vous répondront : Présens ! »
Hélas ! son instinct filial Ignorait que le code international,
Qui pour l’âpre négoce a prévu tant de choses,
Pour les saints dévouemens ne contient pas de clauses.

Nul n’aurait pu dire si les vers étaient bons ou mauvais, mais il y eut un long silence plus significatif que tous les applaudissemens. Pour rompre ce charme douloureux, l’auteur de la Légende d’un peuple nous lut, sans transition, une amusante histoire de