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III

Une circonstance particulière a favorisé les progrès de la téléphonie. Certains savans entrevoient la possibilité de communications électriques, télégraphiques ou téléphoniques, entre des points non reliés par un lien matériel. L’avenir nous dira si cette idée, qui a été préconisée par des savans éminens (M. Preece, par exemple), peut donner un résultat pratique, et être autre chose qu’une curiosité scientifique. Jusqu’à présent, il a fallu, entre les points en correspondance, une liaison effective, un conducteur canalisant les vibrations électriques qui véhiculent les signaux ou la parole. Ce lien a été pour le télégraphe, faute de mieux, formé par le fil de fer, matière assez mauvaise conductrice de l’électricité, facilement altérable et destructible, mais d’un emploi économique.

Dans la série des métaux bons conducteurs de l’électricité, le fer ou l’acier occupent une place médiocre, loin, bien loin derrière l’argent et le cuivre. De l’argent, il n’en faut point parler. Dans le pays le plus honnête du monde, il ne resterait pas un mètre de fil sur les poteaux, si le gouvernement était assez riche pour se payer des lignes en argent. Il est déjà assez difficile de sauver de la déprédation le cuivre, métal moins aristocratique, mais tentant tout de même. Aussi, pendant longtemps, soit que les lignes ne fussent pas suffisamment protégées, soit, plutôt, parce qu’on ne savait pas travailler le cuivre de façon à le rendre plus résistant, sans rien lui enlever de ses qualités conductrices, on a complètement négligé le concours précieux de ce métal, sans lequel on peut affirmer que la téléphonie n’existerait pas.

Elle ne peut se contenter, en effet, d’une canalisation aussi médiocre que la télégraphie et, sans parler de l’inertie magnétique que le fer oppose à la transmission des vibrations téléphoniques, le calcul montre que, si un simple fil de fer de deux millimètres d’épaisseur peut suffire pour transmettre les signaux télégraphiques à plusieurs centaines de kilomètres, il faudrait de véritables barres d’acier pour transmettre, à la même distance, la parole téléphonique. Cette obligation aurait, à elle seule, rendu la canalisation des vibrations téléphoniques absolument impossible. Au contraire, avec le bronze, ou avec le cuivre chimiquement pur et sans aucune trace de corps étrangers, tel qu’on sait le