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préviendra utilement les mesures dilatoires et les atermoiemens qui ont fait échouer, en de précédentes occasions, les améliorations à apporter dans l’administration ottomane[1]. » Le chef du cabinet anglais proposait, en substance, de clairement convenir que l’on aurait recours à la force, au cas où la Turquie persisterait à décliner les conseils de l’Europe Cette ouverture a été, sans nul doute, mûrement examinée, mais il n’y fut pas donné suite dans le sens que son auteur y attachait. Ce qui est certain, c’est qu’il n’intervint aucune entente à cet égard. On a sans doute pensé, sur le continent, qu’il était au moins prématuré de se concerter sur une éventualité qui, dans l’état actuel des relations internationales, pouvait engendrer de plus graves complications, et obliger certains gouvernemens, au cas où elle viendrait à se réaliser, à mettre leurs armées sur pied pendant que l’Angleterre n’engagerait que ses forces maritimes. Après ce que nous avons exposé des dispositions particulières de chaque cabinet, on ne saurait en être surpris.

Comme l’Angleterre, la France exprima, de son côté, au même moment, par l’organe de son ministre des Affaires étrangères, son sentiment sur la manière dont il convenait d’envisager les droits de l’Europe et les devoirs de la Turquie. Voici comment M. Hanotaux s’en expliquait dans un discours prononcé à la séance de la Chambre des députés du 5 novembre :

« L’Europe unie saura, dit-il en terminant, se faire comprendre du sultan ; elle le mettra en garde contre les influences néfastes... ; elle lui montrera la source du mal là où elle est, c’est-à-dire dans la mauvaise gestion politique, financière, administrative ; elle lui indiquera les moyens de mettre, dans tout cela, un peu d’ordre sans lequel les États ne peuvent durer ; elle réclamera de lui la réalisation de ses propres promesses ; elle lui demandera de mettre en pratique les réformes déjà accordées... On saura lui démontrer enfin que cette politique est la seule loyale, la seule forte, la seule digne, et qu’enfin là, et là seulement, se trouvent pour lui et pour les siens l’honneur et le salut. » C’était affirmer à la fois l’union de l’Europe et sa ferme volonté d’assurer, avec le salut même de la Turquie, l’entière exécution des améliorations promises et nécessaires.

L’admonestation était nette, précise, publique, conçue dans l’esprit qui avait dicté le memorandum de lord Salisbury : aussi

  1. Livre Jaune, p. 309.