en vertu de je ne sais quelle foi matérialiste dans l’appui du pouvoir qu’il réclamait l’entretien de l’Église par l’État. Au contraire, à ses yeux, c’est parce que la vérité est grande et forte, — magna est, et prævalebit, — qu’il sommait l’Etat de lui rendre hommage et de s’incliner devant elle. Est-il besoin de faire remarquer qu’une telle doctrine s’accommode tout aussi bien, mieux même peut-être, de l’indépendance réciproque des deux puissances, et qu’il devait suffire d’une simple démonstration expérimentale des vices de leur union en Irlande et des atteintes portées à la cause de la vérité en ce pays par l’établissement anglican pour mener l’auteur à des conclusions directement contraires ?
Cependant une redoutable épreuve attendait le jeune théoricien. Il allait être appelé au pouvoir. Le ministère Melbourne, après s’être rattaché désespérément à la faveur de la jeune Reine, à la suite de l’intrigue de cour dite des Femmes de chambre, se mourait de langueur. Une dissolution et un appel au pays eurent pour résultat l’élection d’une majorité conservatrice imposante. C’était, à ce que pensaient quelques ultras, la revanche de 1832 : en réalité, comme le jugeait fort bien Peel, la restauration de l’équilibre, la démonstration par les faits de la solidité de l’ordre politique et social, même sous la suprématie des nouvelles couches. Si ces vues étaient trop hautes pour être agréées du gros d’un parti qui voyait la fortune lui sourire pour la première fois depuis dix ans, Gladstone était digne de s’y associer. Il avait déjà commencé par la seule force de sa raison, grâce au sérieux de son esprit et à sa bonne foi, à se dégoûter des ultras, de leur politique de casse-cou et de leurs stériles manifestations. Quand Peel l’appela à ses côtés, il était mûr pour collaborer à son œuvre, mais aussi pour en ressentir le contre-coup et soumettre ses principes à une révision consciencieuse. Sir Robert Peel le nomma vice-président du Board of Trade, c’est-à-dire sous-secrétaire d’Etat au Commerce et membre du Conseil privé. Ces hautes fonctions n’entraînèrent-pas tout d’abord à leur suite une place dans le cabinet. Ce n’est qu’en 1843 que Gladstone fît ce pas décisif dans la carrière d’un homme public, en même temps qu’il succédait à lord Ripon, comme président du Board. Déjà il avait pris en mains, sous les auspices immédiats du premier lord de la Trésorerie, le grand œuvre qui devait occuper près de cinq ans de sa vie et préparer graduellement une révolution économique. Peel avait conçu le dessein, pour résister à la Ligue contre la loi sur les céréales, de