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L’âme pensive au lent adieu de la lumière :
Chante, dit à Nyza la voix grave du père,
Et, regardant là-bas briller les derniers feux.
Il baise avec amour l’enfant sur les cheveux.
Entre toutes Nyza de son père est chérie ;
Sa voix semble toujours pleurer une patrie.
Elle a treize ans ; un soir d’amour, la volupté
De nuit et de lumière a pétri sa beauté.
Son petit front de marbre a l’horreur des servages,
Et, douce, elle sourit avec ses yeux sauvages.
Elle chante ; ce sont des rondes d’anciens jours,
Des airs simples appris le soir dans les faubourgs.
Sa bouche exquise semble un calice qui s’ouvre,
Et sa voix que toujours un peu de brume couvre
Monte et s’exhale ainsi qu’un triste et pur soupir
Au fond du grand silence où le jour va mourir !
Alcyone et Lydie, aux limpides pensées.
Se tiennent doucement par la taille enlacées ;
Le petit Myrte dort la tête sur son bras ;
Et le père, sachant qu’on ne le verra pas,
Faisant tourner un verre avec sa main distraite,
Laisse errer dans ses yeux une larme secrète...
Sur le seuil, la servante oubliant ses travaux
N’a point encore à table apporté les flambeaux.
Tout est noir ; le grand ciel brille de feux sans nombre.
Par instans, sur la route, un pas sonne, dans l’ombre...


V

HERMIONE ET LES BERGERS



Palès fait gazouiller la flûte sous ses doigts ;
Mélène sous sa lèvre anime le hautbois ;
Et chacun à son tour, qu’un même espoir stimule.
Module un chant qui monte au fond du crépuscule.
Hermione aux longs yeux de longs cils ombragés.
Un doigt contre sa joue, écoute les bergers.
Hermione est au seuil de la quinzième année ;
Son âme douce est comme une fleur inclinée ;
La Pitié l’a baisée au cœur dans son berceau.