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de l’année suivante, mais fut compensé par des excédens durant le reste de l’exercice.

Sur ces entrefaites, avait été votée la célèbre loi de 1890, élaborée par le secrétaire de la trésorerie Windom, modifiée par le sénateur Sherman, et qui est généralement désignée du nom de ce dernier. Elle ordonnait l’achat mensuel par le Trésor de 4 millions et demi d’onces d’argent, l’émission de billets gagés par ce métal pour le nombre de dollars employés à son acquisition, et le rachat de ces billets « en or ou en argent, à la discrétion du secrétaire d’État de la trésorerie. » La loi se terminait par la célèbre déclaration de principes monétaire, si souvent invoquée depuis dans les controverses : « La politique constante des États-Unis est de maintenir les deux métaux à la parité l’un de l’autre dans le rapport légal actuel, ou dans tel rapport qui pourrait être fixé par la loi. » Déclaration d’ailleurs vague et qui prête à plus d’une interprétation. Le premier effet du Sherman-bill fut de faire monter à New-York le prix de l’argent, qui, de 93 cents l’once, s’éleva en juillet 1890 à 104, puis le 3 septembre à 121, c’est-à-dire à un cours voisin de celui qui correspond au rapport classique de 1 à 15 et demi. Mais, avant que le Congrès se fût réuni en décembre, le cours était déjà retombé à 98 cents : le président Harrisson dut reconnaître l’insuccès de sa tentative pour relever le marché de l’argent. D’autre part, les dépenses du gouvernement firent que celui-ci mit en circulation une plus forte quantité de ses billets qu’à aucune autre époque. L’emploi de ces capitaux ne se trouvant pas en Amérique, ils s’exportèrent sous forme d’or : durant les six premiers mois de 1891, 72 millions de dollars de ce métal furent envoyés en Europe.

La belle moisson américaine de 1891, qui coïncida avec la très mauvaise récolte de l’Europe, renversa le courant et fit revenir de l’autre côté de l’Atlantique, de septembre 1891 à mars 1892, 50 millions de dollars. Mais cette amélioration ne devait pas être durable : dès l’année suivante, le change se déplaça encore une fois au détriment de l’Amérique, qui, durant les huit premiers mois de 1892, perdit plus de 80 millions d’or. C’est à ce moment que le Congrès déclara que « son intention était de fixer et de maintenir le montant minimum du fonds de réserve du Trésor à 100 millions de dollars d’or. » Le nouveau secrétaire de la Trésorerie, M. Foster, fit les plus grands efforts pour maintenir l’encaisse à ce chiffre ; c’est exactement 100 millions d’or qu’il remit à