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industrielles de diverse nature. Il sera heureux pour elle que les États-Unis aient besoin, dans un avenir qui ne saurait être éloigné, de capitaux qu’ils demanderont en partie à leurs cliens d’autrefois, à la France et à l’Angleterre. S’ils ne fournissaient pas ainsi à l’épargne européenne l’occasion de se constituer leur créancière, nous devrions entrevoir le moment où, pour payer les blés, le coton ou le cuivre que nous faisons venir du Nouveau Monde, nous aurions à lui fournir des sommes d’or plus considérables encore que celles que nous lui avons envoyées cette année, et qui atteignent déjà, depuis l’été dernier, 100 millions de dollars.

Par suite de ses relations commerciales si importantes avec le reste du monde, par suite aussi du fait que le capital étranger a pris une part active, depuis un demi-siècle, à son développement économique, l’Amérique ne peut être considérée isolément, même en ce qui concerne son budget. Nous avons dû, dans notre étude, donner une place prépondérante à cet élément qui ne jouerait pas le même rôle, au moins d’une façon visible, dans l’examen d’un budget européen. Cette influence du dehors a été encore plus sensible aux États-Unis, à cause des fonctions monétaires et fiduciaires que la Confédération a assumées, et qui ont eu pour conséquence de soumettre son régime financier à l’influence de son régime monétaire. Réciproquement, les événemens financiers intérieurs de l’Amérique exercent une action constante sur l’Europe : la place de Londres en ressent, la première, le contre-coup ; le fil électrique qui relie Throgmorton Street, dans la Cité, à Wall Street, de l’autre côté de l’Atlantique, sert à combiner chaque jour des opérations qui dépendent en partie des récoltes et de l’ensemble des phénomènes de la vie économique américaine.

Il semble qu’une loi invisible vienne, à de certains intervalles, imposer, aux peuples trop prospères, des épreuves qui les rappellent à la sagesse. Après avoir souffert de la législation sur la frappe de l’argent et sur les pensions militaires, qui a doublé leur dette et leur budget, les États-Unis sont aujourd’hui en lutte avec l’Espagne. Sans vouloir ici discuter les origines ni la légitimité de cette guerre, mal comprise et mal jugée chez nous, sans rappeler les liens qui nous unissent à la nation américaine, fondée avec notre concours il y a plus d’un siècle et à laquelle nos traditions et nos sympathies nous attachent, nous devons réfléchir, dès aujourd’hui,