Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 148.djvu/67

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

âgé. Il aspirait au repos. Il jouissait d’une popularité sans égale. L’Angleterre consentait à faire halte sous la houlette d’un berger octogénaire, chef conservateur d’un cabinet de radicaux. Disraeli comparait spirituellement le banc des ministres à une rangée de volcans éteints. Il était entendu que les éruptions ne reprendraient qu’après que Palmerston ne serait plus là. Tous les volcans, toutefois, n’étaient pas éteints. Gladstone trouva le moyen, tout en servant loyalement son chef, de faire de grandes réformes. Avec Cobden, il prit l’initiative de cette politique des traités de commerce qui, tout en constituant une légère dérogation à l’orthodoxie économique rigoureuse, donna au libre-échange la garantie d’un contrat bilatéral. Seul, il entreprit, en abolissant le timbre et l’impôt sur le papier, d’affranchir les instrumens de l’éducation populaire, si nécessaires à une démocratie. Sur son chemin, il trouva la Chambre des Lords. Il ne plaisanta pas avec cette obstruction. Le grand principe constitutionnel qui réserve aux représentans élus du peuple, et à eux seuls, le vote des taxes, fut invoqué. Un conflit semblait imminent. La Chambre des Lords dut céder. Quand Palmerston eut rendu le dernier soupir, les droits de l’ancienneté firent appeler à la tête du gouvernement un vétéran, lord Russell, jadis plusieurs fois déjà premier ministre. Ce n’était qu’un intermède de haute convenance. La question de la réforme électorale, autour de laquelle les partis avaient longtemps manœuvré, venait de se poser dans toute sa gravité. Un peuple d’ouvriers frappait à la porte de la cité politique. Russell n’était plus de force à accomplir pacifiquement cette révolution légale. Il avait présidé trente-cinq ans plus tôt à l’avènement de la bourgeoisie : il ne devait pas lui être donné de compléter — ou de détruire — son œuvre en inaugurant l’ère de la démocratie. Il entreprit bien la réforme, mais à contre-cœur. Il ne tarda pas à succomber devant une défection des whigs. Lord Derby fut appelé aux affaires.

Disraeli, dont il était le prête-nom et qui ne tarda pas à lui succéder, avait conçu le dessein audacieux de damer le pion aux whigs et de faire faire, par les conservateurs, la réforme électorale. À cette fin, il était indispensable de commencer par faire l’éducation des tories eux-mêmes, un peu surpris, malgré les précédens de l’émancipation catholique et du Free Trade, d’avoir sur leurs vieux jours à se faire révolutionnaires, même pour le bon motif. Disraeli leur donna sa parole qu’en fait il s’agissait d’un coup de