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France étaient venues interrompre, avant qu’ils fussent achevés, « ces discours sur les couleurs et les images qui se conservent quelque temps dans les yeux, en se transformant par un ordre fort admirable et capable de fournir de l’exercice aux plus curieux naturalistes. » Dans le même ordre d’idées, l’acquisition par Rubens des Raisons des forces mouvantes de Salomon de Caus et des Ephémérides des mouvemens des astres nous fournit une nouvelle preuve de ses préoccupations scientifiques. Il est également sollicité par l’étude de la religion, par celle de la philosophie ou du droit, et les principaux écrivains, poètes, moralistes et historiens de l’antiquité figurent dans sa bibliothèque. A mesure que la diplomatie prendra une plus grande place dans son existence, il recherchera aussi les livres qui peuvent le mieux le tenir au courant de l’état de l’Europe, surtout de la France. C’est ainsi qu’il achète successivement Philippe de Commynes, les Mémoires de Mornay, les Lettres du cardinal d’Ossat, le Mercure français et un grand nombre de pamphlets politiques : Avertissement au roi de France, Charitable remontrance d’un Caton chrétien à Mgr le cardinal de Richelieu, Lettre de la reine-mère au Roi, Satyres d’État, Mars Gallicus, etc. Mais les lectures qu’il prise le plus sont celles qui peuvent lui suggérer des sujets de tableaux, celles de Virgile, de Philostrate, d’Ovide, ou celles qui, ayant un rapport plus direct avec son art, ont pour objet d’étendre ses connaissances en archéologie, en numismatique, en architecture. Il a donc réuni une grande quantité de publications sur les monnaies, sur les médailles et les antiquités de tous les pays, romaines, siciliennes, persanes, germaniques, etc., ainsi que les traités de Vitruve, de Vignole, de V. Scamozzi, de Jacques Francart et de Serlio.

A sa mort, sa bibliothèque était devenue si considérable qu’il avait dû établir un autre dépôt de livres dans une des maisons qui lui appartenaient. Beaucoup de ces livres étaient de grand prix ; mais ce n’est point pour en faire montre qu’il les avait acquis, c’était pour s’en servir, pour ajouter à l’étendue de ses connaissances, pour stimuler la fécondité de son imagination et, ainsi que le dit de Piles, « pour exciter sa verve et pour échauffer son génie. » Il savait par cœur de nombreux passages de Virgile, connaissait à fond l’histoire romaine et les citations des moralistes latins lui venaient naturellement à l’esprit ou sous la plume. Il ne faut donc pas s’étonner, ainsi que le remarque encore de Piles, « s’il avait tant d’abondance dans les pensées, tant de richesse dans les