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La discordance serait décidément intolérable pour les pays qui présentent une plus grande extension dans le sens des parallèles. C’est ce qui arrive pour l’Autriche-Hongrie, qui couvre, en longitude, une étendue de 17° environ. Lorsque ce pays abandonna, en 1876, le système de l’heure locale, il dut adopter, au lieu d’une heure nationale unique, deux heures normales : l’heure de Prague pour ses provinces occidentales ; l’heure de Budapest, en avance de 19 minutes sur la précédente, pour les provinces orientales. L’impossibilité de l’heure unique devient encore plus flagrante pour la Russie, le Canada et les États-Unis, dont les points extrêmes présentent des différences de plusieurs heures en temps local. Il a fallu, pour les cas de ce genre, imaginer des solutions nouvelles. On en a proposé deux : le régime de l’heure universelle et l’expédient des fuseaux horaires.

L’Heure universelle. — Le regimbe de l’heure universelle est quelque peu chimérique. M. Faye renvoyait naguère son adoption au siècle à venir, et ce n’est pas assez dire. Il se heurte à des difficultés presque insurmontables. Au lieu de s’accorder à peu près avec le temps local, conformément à la règle que nous posions tout à l’heure, il est en opposition radicale avec celui-ci. Il offre surtout un intérêt théorique. Les ingénieurs l’utilisent pour l’établissement des horaires, le règlement des parcours, et la correspondance des trains ; c’est un instrument de calcul. On ne peut, en effet, définir l’exacte durée d’un trajet par la différence des temps de départ et d’arrivée, puisqu’il y a, en cours de route, des solutions de continuité de l’heure. Il faut supprimer ces écarts et rétablir les soudures, c’est-à-dire, en définitive, supposer l’heure unique et continue, l’heure universelle. Les calculs faits, on revient à la réalité ; les résultats sont traduits dans le système usuel.

Le système de l’heure universelle consiste à adopter arbitrairement l’heure d’un lieu déterminé, dont le méridien devient le méridien initial, et à attribuer cette seule et même heure à tous les points du globe. Ce lieu, ce pourrait être Paris, Rome ou Berlin ; c’est ordinairement Greenwich. D’après cela, quand il est midi à Greenwich, il est midi partout. Il n’y a plus aucune corrélation entre la notation de l’heure et la position du soleil ; la même heure universelle correspond à toutes les heures locales imaginables. On renonce à donner aux noms et aux numéros des heures une signification en rapport avec les phases de la