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content de lui, c’est un scolastique de la première classe, qui ne parle que par sophismes. Il ne me paraît pas ami de la cour de Rome ; il est sans cesse occupé des formes et entiché des libertés de l’Église gallicane. » Le cardinal de Zelada, tout en le louant de son zèle, lui reprochait d’aller trop loin et lui donnait des leçons de tolérance. « Tout ce que vous me marquez de l’archevêque, lui écrivait-il, peut servir à se faire une idée juste de son caractère et de sa façon de voir. En d’autres circonstances, cela servirait infiniment, mais les malheurs des temps nous obligent maintenant d’être moins rigides. Lorsque la conduite des prêtres est plausible et vraiment catholique, en général il faut négliger les systèmes particuliers dont ils sont imbus. » Rome détestait autant que lui les intrus, les infidèles et les tièdes ; mais elle n’a jamais pensé que l’intempérance dans les jugemens fût une vertu théologale, et c’est peut-être pour cela qu’on lui a fait attendre si longtemps la récompense promise à ses services.

En politique comme dans les questions d’église, sa bête noire était ce qu’il appelait « le moyennisme ». Il préférait les violens aux modérés, les abominations aux accommodemens. Il déclarait que l’excès du mal est souvent le plus efficace des remèdes, que le côté droit de l’Assemblée législative était pire que le gauche, que les constituans étaient plus à craindre que les jacobins, que ces derniers n’étaient que de simples scélérats, que les autres, les Sieyès, les Brissot, les Condorcet, les Clavière, étaient profonds en scélératesse, commettaient des crimes par réflexion et par principe. Mais, selon lui, les monarchiens mitigés et accommodans étaient « le plus grand fléau de la terre, » et il prévoyait qu’un jour les francs royalistes se ligueraient avec les républicains contre cette faction d’autant plus dangereuse qu’elle se parait des dehors de la vertu.

Ces monarchiens, qu’il ne pouvait souffrir, désiraient à la vérité conserver la monarchie ; mais ils ne voulaient pas supprimer la constitution, il se proposaient de l’amender, de la modifier à leur profil. ils avaient pour la plupart adopté le déplorable système des deux Chambres, auquel s’étaient ralliés dès l’origine « tous les courtisans, les intrigans, les faux braves, les gens à petits moyens, les fripons ambitieux. » L’abbé revient souvent sur ce sujet. Il croyait facilement aux conspirations ; le 23 janvier 1792, il accuse « la ligue moyenniste monarchienne de tourner plus que jamais autour du cabinet des Tuileries pour faire adopter ses palliatifs désastreux. » La constitution modifiée, tel est le mot d’ordre des coryphées de la secte, qui s’appliquent à persuader le roi, « à séduire l’infortuné monarque et tout ce qui