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— dont 6 roubles pour le parcours d’Irkoutsk à Nijni-Novgorod. Sans un droit de douane différentiel des plus élevés, tous les thés arriveraient en Russie par mer en franchissant le canal de Suez.

La lenteur et la cherté des transports par traînage sibérien est donc excessive. Cependant l’hiver est la saison de grande activité pour l’industrie des transports : l’été, les routes sont trop souvent défoncées ; hommes et bêtes sont, en outre, occupés en grande partie aux travaux agricoles. Les fleuves ne sont que pendant cinq mois « des chemins qui marchent », le reste de l’année, ils demeurent paralysés sous leur lourde enveloppe de glace. La sécheresse réduit même la durée de la navigation à deux ou trois mois sur maintes rivières du bassin de l’Obi ; les rapides la rendent à peu près impossible sur la grande artère de l’Angara et empêchent l’Iénisséi de communiquer avec le Baïkal. Si du moins les fleuves sibériens débouchaient dans une mer libre de glaces aussi longtemps qu’ils le sont eux-mêmes, ils pourraient encore servir de voie d’exportation aux produits de leurs vallées ; mais ils coulent vers le nord pour aboutira l’océan Arctique, presque toujours encombré d’icebergs et de banquises. Des tentatives intéressantes ont cependant eu lieu dès 1862 pour essayer d’arriver des mers européennes à l’estuaire de l’Iénisséi par les détroits de la Nouvelle-Zemble et la mer de Kara. En 1874, l’Anglais Wiggins, à bord de la Diana, réussit une première fois à accomplir ce difficile passage ; après de nouvelles tentatives heureuses, quelques marchandises purent être débarquées en 1878 aux bouches de l’Obi et de l’Iénisséi, ces dernières plus accessibles parce qu’elles sont moins encombrées de bas-fonds. Après une longue interruption, une compagnie se forma en Angleterre en 1887 pour entreprendre un service régulier ; elle dut liquider deux ans plus tard et eut des successeurs qui ne furent pas plus heureux.

Ces insuccès n’ont pas découragé les Anglais et les tentatives de navigation de l’océan Arctique ont été reprises sur une plus largo base en 1896 : trois vapeurs ont remonté l’Iénisséi jusqu’à Touroukhansk, à 200 lieues du fond de son estuaire, et ont déchargé leurs cargaisons dans de grandes barges, que des remorqueurs ont amenées à Krasnoïarsk où le chemin de fer Transsibérien doit franchir le fleuve. En 1897, six navires sont parvenus à renouveler cet exploit. La compagnie a aujourd’hui une agence à Krasnoïarsk, où j’ai rencontré ses employés, les deux seuls Anglais établis à demeure dans l’intérieur de la Sibérie. Favorisée par des réductions