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l’on y monte par des pentes douces qui n’ont rien de comparable à l’escalade vertigineuse de la Sierra Nevada de Californie. En outre, si le pays n’est guère plus peuplé que le Far-West américain entre 1860 et 1870, il ne s’y trouve pas de régions désertes et dénuées d’eau, comparables aux plateaux désolés des États d’Utah et de Nevada. Laissant de côté, pour le moment, la section incomplètement étudiée de Mandchourie, on peut dire que le Transsibérien était, dans l’ensemble, une ligne d’exécution facile : d’immenses plaines se prêtant à des alignemens droits presque indéfinis à l’ouest, de molles ondulations entre l’Obi et l’Iénisséi, puis une série de chaînes de collines qu’il faut couper à angle droit et où la ligne atteint une altitude maxima de 610 mètres entre l’Iénisséi et Irkoutsk ; de l’autre côté du lac Baïkal, la montée progressive de 400 à 1 100 mètres en suivant les larges vallées à pente douce de la Selenga et de ses affluens, ce sont là de faibles obstacles pour l’ingénieur moderne. Une descente un peu plus brusque sur le versant de l’Amour et une section de 360 verstes dans les vallées de l’Ingoda et de la Chilka, tantôt en corniche sur des éperons de montagne abrupts, tantôt à travers de petits élargissemens marécageux formaient les seules parties difficiles de la ligne. Elles ne l’étaient pas extrêmement, puisque le Transsibérien ne comporte en définitive, de l’Oural à l’Amour, ni un seul tunnel, ni pente supérieure à 17 millimètres et demi par mètre, ni courbe d’un rayon inférieur à 250 mètres, alors que dans les lignes des Alpes et en France même, dans le massif central et les Cévennes, on est obligé d’atteindre 33 millimètres par mètre et de descendre pour les courbes à 150 mètres de rayon.

Les seuls travaux d’art notables sont les ponts, très nombreux, puisque tous les cours d’eau importans de Sibérie, tant qu’on n’est pas arrivé dans le bassin de l’Amour, coulent du sud au nord perpendiculairement à la direction de la ligne. Les quatre principaux se trouvent sur l’Irtyche et l’Obi (850 mètres de longueur), sur l’Iénisséi et la Selenga (1 000 mètres). Ces travaux nécessitent de très fortes piles de pierre, renforcées vers l’amont pour résister au choc des glaces ; ils sont donc assez coûteux ; mais les tabliers et les diverses pièces métalliques sont des articles d’exécution courante, dans l’industrie moderne. Les ponts secondaires, dont plusieurs ont encore 200 et 300 mètres, sont nombreux, mais ce qui est plus difficile que le passage même des cours d’eau, c’est l’accès de leurs rives, souvent marécageuses et sujettes aux inondations.