Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 148.djvu/877

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de l’esturgeon, et, manifestement, il importe de n’opérer que sur de petites masses d’œufs, sur des cordons de peu d’épaisseur, et de préparer des appareils spéciaux sur lesquels ces cordons pourront se fixer avant de les loger dans les incubateurs. M. Bashford Dean conseille l’emploi de plateaux consistant en un cadre en bois portant un treillis, en toile ou en fil métallique. Les œufs, isolés, sont éparpillés sur ce plateau, avant de devenir visqueux : ils se logent dans les sillons et s’y fixent, et désormais la manipulation en est facile, et l’aération satisfaisante.

Des recherches ont encore été faites sur les poissons plats, le turbot, le carrelet, la sole. La plupart de ces poissons ont une valeur marchande relativement élevée, ils sont très appréciés du consommateur, et il y aurait intérêt à en multiplier le nombre. C’est à quoi l’on tâche de différens côtés, aux États-Unis, en Norvège et en Angleterre. L’entreprise est moins facile qu’à l’égard de la morue ou du homard, parce que l’on connaît moins bien les besoins des œufs, les habitudes des reproducteurs, les exigences des alevins, et encore parce que l’on se procure moins facilement la quantité voulue de poissons adultes prêts à se multiplier.

Comme il arrive souvent, d’ailleurs, les praticiens se sont aperçus que, sur bien des points, les théoriciens n’avaient que de faibles secours à leur offrir. Ils ont pu s’étonner, avec quelque raison, que les ichthyologistes leur aient fourni aussi peu de renseignemens sur les mœurs des poissons les plus usuels, sur l’évolution larvaire, et sur tant de questions connexes. Force a donc été d’entreprendre l’étude de celles-ci et de se procurer une foule de données qu’on pensait obtenir aussitôt des zoologistes. Parmi les travailleurs. M. Mc Intosh[1], le naturaliste bien connu de Saint-Andrews en Écosse, dont je visitais le petit laboratoire il y a cinq ou six ans, et M. Eugène Canu, de la station de Boulogne-sur-Mer, ont fait d’excellente besogne en montrant où et comment il faut chercher les œufs des poissons plats, à quoi on distingue les œufs de chaque espèce, et quelles particularités caractérisent l’évolution larvaire. Ils ont rendu service à la zoologie tout autant qu’à la pisciculture. Je n’oublierai pas non plus les travaux de M. Cunningham, à qui l’on doit une belle monographie de la sole, et un livre très intéressant et pleins de renseignemens qui, sous le

  1. Voir son excellent volume récemment publié : The Life Histories of the British Marine food-fisches, en collaboration avec M. J. Masterman (C.-J. Claye, à Londres).