été donné à M. Le Noir. En le recevant, il eût envoyé chercher la donzelle et lui eût dit :
« — Mademoiselle, si votre bal a lieu, vous irez coucher à Sainte-Pélagie.
« Et il n’y aurait pas eu de bal… Et quel moment on choisit pour donner un pareil scandale ! Que fera-t-on ? Ira-t-on ? Il ne manquerait plus que cela ! N’ira-t-on pas ? Il faut être bien infatué d’une coquine pour lui payer si cher un amusement qu’on ne partagera pas. » Le lendemain, il apprend que le Duc de Berry a paru à ce bal. Son indignation ne se contient plus : « Lorsqu’on se marie à trente-huit ans et qu’on ne se range pas, cela prouve qu’on ne voit dans sa femme qu’une maîtresse de plus. Alors, il reste peu d’espoir d’une réforme dans les mœurs. »
Vers le même temps, Decazes est tombé de cheval. L’accident n’a pas eu de suites trop fâcheuses. « Il est peu de chose en lui-même. Mais le zèle du ministre de l’Intérieur à remplir ses fonctions l’a seul rendu grave. D’après cela, n’est-ce pas un devoir pour le Roi de l’honorer d’une visite ? Réfléchis et réponds-moi. » Decazes refuse l’honneur que Sa Majesté veut lui faire. Il en sera quitte pour garder la chambre trois jours, pour rester trois jours sans voir le Roi ; et celui-ci de protester : « Je voudrais bien, mon cher fils, pouvoir accepter l’augure de rien que trois jours de jeûne, même en comptant aujourd’hui pour le premier. Mais j’ai bien peur que cela ne soit plus longtemps, surtout quand je te vois ne pas pouvoir plier le genou. Je sais des paroles sur cet air-là, non seulement par la goutte, mais par une chute que j’ai faite à Mitau en 1807 et à la suite de laquelle il m’eût été, pendant huit jours, quoique je marchasse en pays plat, à peu près aussi facile de prendre la lune avec les dents que de descendre et surtout de monter une seule marche. Prends du courage, mon ami, et surtout ne fais point d’imprudence. » Et comme, le même jour, il a reçu une statuette d’Henri IV, il ajoute : « Je l’ai trouvée extrêmement belle. Si j’avais reçu ta lettre avant de la voir, je me serais écrié : — Grand roi, je te porte envie. Tu allais voir Sully tant que tu voulais. »
Ce sont là, on en conviendra, d’irrécusables témoignages de l’invraisemblable faveur dont jouissait Decazes à cette époque de sa vie. Elle durait alors depuis plus de trois ans et, loin d’être affaiblie par sa durée, elle y puisait de jour en jour une force nouvelle, augmentant d’autant l’influence de celui qu’on appelait le