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on entendit les représentans proclamer tout haut leurs espérances. Au commencement de mars, les pairs, cédant encore aux mêmes influences, repoussèrent la loi sur l’année financière adoptée déjà par la Chambre des députés. La majorité anti-ministérielle démontra sa cohésion et révéla ses desseins en se comptant à nouveau dans ce second vote, comme elle s’était comptée dans le premier. Entre temps, avait été présentée aux Chambres une résolution inspirée par Decazes, qui créait en faveur du duc de Richelieu, à raison de ses services et à titre de récompense nationale, pour être attaché à sa pairie et transmissible avec elle, un majorât de cinquante mille livres de revenus. La droite y trouva prétexte à persévérer dans son système d’opposition et parvint à faire substituer au projet primitif un projet nouveau qui supprimait la transmissibilité.

Très irrité par ces manifestations, le Roi écrivait : « Les projets des ultras sont bien mauvais, mais ne m’inquiètent pas. La lettre de Richelieu est mauvaise, d’abord parce que son infatuation pour Laine continue à être telle qu’il le met sur la même ligne que Montesquieu, — je ne le croirais pas si je ne l’avais vu de mes yeux ; — ensuite parce qu’il tient à sa maudite réunion Bausset. Il espère qu’elle subsiste toujours et qu’elle prêtera son appui au ministère lorsqu’il fera des propositions monarchiques. C’est, d’une part, supposer qu’il peut en faire d’autres (la révérence, Messieurs) ; c’est, de l’autre, soumettre au jugement de vingt-deux nobles pairs les intentions du ministère, ce qui est fort commode pour la marche du gouvernement… Ne vaudrait-il pas cent fois mieux, comme en Angleterre, être franchement et une bonne fois pour toutes du parti de l’opposition ou de celui du ministère ? »

Laine, que le Roi estimait naguère, mais dont il avait cru découvrir la main dans ces intrigues, n’était pas non plus épargné : « Je te trouve, mon cher fils, bien indulgent pour Laine. Répondre si mal à ta conduite amicale envers lui peut, si l’on veut, ne s’appeler qu’ingratitude. Mais ses amendemens, après avoir promis d’appuyer le ministère ; mais surtout son travail pour former une opposition tirée du centre même ; si tout cela n’est pas une trahison, je ne sais, ma foi, pas à quoi l’on peut appliquer une semblable dénomination. »

Cette lettre est écrite à la fin de février. À ce moment, les ultra-royalistes, à la suite du vote de la motion Barthélémy, étaient en liesse. Quelques jours plus tard, le rejet de la loi