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I


Les anciens n’ont eu aucune idée des temps antérieurs à la venue de l’homme. Le moyen âge ne les a pas étudiés davantage. Dans les siècles derniers, on a entrevu quelque chose de l’histoire des êtres fossiles, mais très peu. C’est durant ce siècle, et au Jardin des Plantes, que la paléontologie a été constituée ; Georges Cuvier, dans ses Recherches sur les ossemens fossiles de quadrupèdes, publiées en 1812, en a été le fondateur incontesté. Avant lui, quelques savans avaient pressenti qu’il y a eu des espèces différentes de celles de notre époque, sans pouvoir fournir une certitude ; car ils avaient surtout observé des coquilles marines, et il était permis de supposer que des coquilles identiques seraient un jour découvertes au sein des océans ; quant aux rares quadrupèdes terrestres dont on avait rencontré les ossemens, nul n’osait affirmer qu’ils fussent différens des formes actuelles, parce que l’anatomie comparée était peu avancée. On avait à la vérité reconnu que le Mastodonte était un genre éteint, mais le fait que quelques animaux ont disparu avant la venue de l’homme ne prouvait pas qu’il y eût eu d’immenses époques géologiques caractérisées par tout un ensemble de créatures spéciales. Cuvier a rassemblé une grande collection de squelettes d’animaux actuels ; leur étude lui a facilement démontré que les bêtes fossiles ne devaient pas être confondues avec eux. Son but a été de faire ressortir leurs différences ; il n’avait pas de motifs de chercher les traits de ressemblance ; car, absolu dans son opinion sur la fixité des espèces, il ne pouvait pas, comme Étienne Geoffroy Saint-Hilaire, supposer que les animaux fossiles ont été les ancêtres de ceux d’aujourd’hui.

Lorsque je suis entré au Muséum, il y avait encore beaucoup de personnes qui avaient vécu dans l’intimité de Cuvier : le professeur Duvernoy, auteur de chapitres importans de son Anatomie comparée ; le professeur Valenciennes, son collaborateur dans l’étude des poissons ; le professeur Duméril, son collaborateur dans celle des reptiles ; Laurillard, son aide-naturaliste et son dessinateur ; Rousseau, garde de la galerie d’Anatomie comparée, enfin Merlieux, qui, dit-on, avait commencé par être un statuaire et s’était ensuite borné à la tâche de dégager, de raccommoder les ossemens et d’en prendre les moulages ; je me le rappelle, avec