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inspiration, sous condition de respecter le plan d’ensemble, et a inscrit là-haut son rêve fantasque. Cette fécondité capricieuse, l’inégale hauteur des aiguilles, les plans divers où elles s’étagent, ajoutent au pittoresque de cette prodigieuse ferronnerie qui se darde au ciel en une floraison de pointes historiées. Dans l’ensemble du décor, la terne matité des pierres, le ton cendré des lattes, les reflets argentés de l’ardoise, le miroitement sourd des plombs se fondent en une harmonie de nuances discrètes, en une teinte de grisaille qui prête à toutes ces élégances un charme évanescent.

Nos yeux se détachent avec peine de cette vision aérienne et se rapprochent de terre, pour mieux observer l’intérieur de la cour et le joli détail des choses. Au-dessus du dallage uniforme, des massifs de fleurs bombent : des orangers en caisse alignent leurs globes lustrés. Un entassement de géraniums rouges et roses cache à demi un puits de toute antiquité, au-dessus duquel une guipure de fer s’élève en pavillon conique. Sur un autre renflement fleuri, une colonette hexagonale, mince, fluette, élégante, porte une croix qui s’enveloppe à son centre d’un nœud en dentelle de pierre. On voit les traces d’une chaire qui servait jadis à prêcher en plein air. Il y avait aussi un lavoir, longtemps conservé, où se faisait la lessive des malades.

Une sœur achève l’arrangement des géraniums contre la base du puits, sur les degrés qui s’étagent autour ; elle y met tous ses soins, tout son art, attentive à ces menues réussites qui sont les petits bonheurs de la vie dévote. Nous avons le loisir d’examiner son costume. La robe et le corsage sont en Lainé d’un blanc tirant sur le jaune, prenant des tons de cire vieillie : la jupe se termine en une longue traîne qui est en ce moment relevée, retenue, mais qu’on laisse s’épandre pour aller à la communion. Le tablier à bavette est de toile fine et tout blanc, le hennin assez haut, incliné en arrière : à sa pointe est fixée l’extrémité d’un voile qui retombe presque jusqu’à la taille en grands plis compliqués et rigides, en quatre ailes frissonnantes. C’est le costume traditionnel ; il n’a pas changé depuis Rolin, si ce n’est que la robe primitivement grise, faite en certains tissus qui ne se confectionnaient qu’à Matines, est aujourd’hui bleue depuis la Toussaint jusqu’à la Pentecôte, et, durant l’été, blanche.

Vêtues de même, d’autres sœurs passent sous les galeries, portant à boire aux malades dans des ustensiles de forme