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déplaisait ou ce qui répugnait du catholicisme à nos aristocrates, c’était qu’il fût la religion de tant de petites gens ! « La plus vile canaille l’avait seule embrassé pendant plus de cent ans, » a dit Voltaire ; et rien ne semblait plus odieux aux hommes de l’Encyclopédie que d’être obligés de penser « comme leur tailleur ou comme leur blanchisseuse. »

Nous ne croirons pas aisément que des Américains partagent cette manière de voir ou de sentir. Elle aurait quelque chose, non seulement de trop aristocratique, mais, à proprement parler, d’inhumain. Quelque inégalité qu’il y ait, — et qu’il doive y avoir, — parmi les hommes, étant tous égaux devant la douleur et devant la mort, nous devons donc l’être devant la religion. Mais s’il fallait pourtant qu’il y eût deux sortes de culte, — l’un pour les « petites gens, » et l’autre pour les « milliardaires, » — bien loin que cette distinction nuisît dans l’avenir aux progrès du catholicisme, tout au contraire elle en serait la promesse et la garantie. De certaines communions peuvent être des communions d’aristocrates : le catholicisme est aujourd’hui plus que jamais la communion des humbles. Aussi longtemps qu’il la demeurera, c’est à lui qu’ira l’âme des foules. Elles aimeront le contraste éclatant de ses pompes solennelles avec le caractère populaire de son enseignement. Et c’est pourquoi, si quelques sectes superbes n’ont pas de place dans leurs églises pour les pauvres et les déshérités de ce monde, plaise à Dieu qu’elles ne s’en cachent pas, mais plutôt qu’elles s’en vantent ! Dans nos sociétés de plus en plus démocratiques, rien ne servira mieux la cause et les intérêts du catholicisme : In hoc signo vincet, il vaincra par ce signe ; et si ce progrès de la démocratie n’est nulle part plus rapide ni plus évident qu’en Amérique, c’est précisément pour cela que nulle part le catholicisme ne saurait concevoir de plus hautes espérances.

Cependant, au travers de toutes ces difficultés, et à mesure même qu’elle en triomphait, l’Eglise catholique des États-Unis s’organisait. Elle régularisait l’administration de son temporel. Elle assurait son recrutement. Elle fortifiait et elle consolidait sa discipline naguère encore un peu relâchée. Elle éliminait de ses institutions ce qui pouvait s’y être à l’origine glissé d’encore un peu protestant, par exemple le droit que de simples laïques s’attribuaient de « fonder » des églises, d’en choisir et d’en nommer eux-mêmes les pasteurs, indépendamment de