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catholiques, avoir notre tribunal suprême ni dans le Concile, qui n’est qu’une juridiction extraordinaire, ni dans la réunion des évêques de la catholicité, qu’on ne saurait aisément consulter, nous l’avons dans le chef de la catholicité qui est le Pape[1]. » Ce sont là de solides raisons, des raisons très pratiques, des raisons convaincantes. Et, assurément, quand il le faut, les catholiques d’Amérique en savent trouver d’autres. Ils savent, eux aussi, manier, rapprocher, enchaîner les textes ; ils savent puiser au trésor commun de la tradition. Mais, s’ils préfèrent cependant ces moyens plus directs, j’oserai dire plus démocratiques, ils en ont leurs motifs, dont le principal est la facilité, qu’ils ont tout de suite aperçue, de pouvoir, sous la protection de l’infaillibilité, tourner leur attention et leur activité « vers d’autres objets et vers d’autres vertus. »

En effet, catholiques ou protestans, si les Américains ressemblent au portrait que nous en traçait tout à l’heure Mgr Keane, on croira sans peine qu’ils n’aiment guère à s’embarrasser de métaphysique ou de théologie ; et, à cet égard, il n’y a rien de plus sommaire que les Décrets du second concile plénier de Baltimore, celui de 1866, sur les hérésies que les Pères y ont condamnées, et qui sont l’Indifférentisme ; l’Unitarianisme de Channing et de Parker ; l’Universalisme et le Transcendantalisme des disciples d’Emerson. Je ne dis rien des condamnations qu’ils ont également portées contre « l’abus du Magnétisme » et contre le Spiritisme : elles relèveraient surtout de la physiologie. Ou plutôt, j’ai tort de dire qu’il n’y a rien de plus sommaire : les décrets du troisième concile plénier, celui de 1884, le sont encore davantage, et conséquens avec eux-mêmes, les soixante-seize évêques qui les ont votés se sont bornés, sur l’article de la foi : De fide catholica, à viser les décisions du concile du Vatican et les constitutions dogmatiques Dei filius, et Pastor æternus.

Mais s’ils répugnent à enfoncer dans de certaines questions, ou du moins à les traiter d’une autre manière que purement historique ; s’ils les considèrent en quelque sorte comme closes ; et s’ils ne conçoivent pas l’intérêt qu’il pourrait y avoir à les agiter de nouveau, qui ne voit les raisons qu’ils ont eues d’applaudir à la proclamation de l’infaillibilité pontificale, et le secours qu’ils en ont tiré ? On a feint de ne pas les comprendre, et tout dernièrement,

  1. The Faith of our fathers, ch. XI, p. 158, 159.