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typique — disait le Père Hecker en son style qui n’a pas toujours toute la précision qu’on voudrait, — nous montre l’alliance possible entre l’individualité et la vie de communauté. »

Il ajoutait : « C’est l’idéal des Etats-Unis dans l’ordre politique ; » et ce trait achève de caractériser « l’américanisme, » tel que le définissait l’année dernière, au Congrès catholique de Fribourg, Mgr 0’Connell, l’ancien recteur du collège américain de Rome[1]. A la vérité, je ne sais si les analogies sont aussi nombreuses entre le catholicisme et la Constitution des Etats-Unis, les rapports aussi saisissans, ou les affinités aussi « providentielles, » que le semblent croire quelques Américains. Il y aurait beaucoup à parler sur ce point ! Ce qu’il y a toutefois de certain, c’est que, dans un pays tel que l’Amérique, aussi neuf et aussi vaste, où la terre est à peine encore appropriée ; où, du mélange de tant de races et de conditions, le peuple américain commence à peine à se dégager ; et enfin, dans un pays dont les traditions historiques ne remontent guère au-delà de cent cinquante ans, les élémens essentiels de l’idée de patrie ne pouvaient guère se grouper, se concréter en quelque sorte, et s’ordonner qu’autour de la Constitution. La Constitution des Etats-Unis, voilà non seulement le lien fédéral, mais ce que l’on pourrait appeler le lien mystique de la patrie américaine, et même en Amérique, je ne crois pas que personne l’ait vu plus nettement que l’Église catholique. « Les hommes, a-t-on dit, se sentent liés par quelque chose de fort, lorsqu’ils songent que la même terre qui les a portés et nourris étant vivans les recevra en son sein quand ils seront morts ; » et les Américains l’éprouveront un jour ! Mais, en attendant, ce que ce mystérieux amour de la terre natale est pour nous, le respect idéal de la loi l’est pour eux, et pour eux la Loi, — je copie les termes mêmes de la Déclaration d’Indépendance, — c’est l’expression des droits inaliénables que « l’homme a reçus de son Créateur. » Quelles raisons les catholiques d’Amérique auraient-ils de repousser cette formule ? Ils voient dans leur Constitution « l’affirmation solennelle de la dignité que le Créateur a conférée à sa créature ; » c’est à l’ombre de cette Constitution que leur Eglise a pu si promptement grandir ; c’est en se montrant eux-mêmes les plus scrupuleux observateurs de

  1. Voyez la brochure intitulée : Une idée nouvelle dans la vie du P. Hecker, présentée par Mgr D. J. O’Connell au Congrès catholique international de Fribourg, 1897.