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pas même l’Église, n’y gagnerait rien. C’est ce qu’il était indispensable de dire avant d’en venir aux leçons que nous pouvons tirer, qu’il faut que nous tirions du prodigieux développement du catholicisme aux États-Unis. Par cela seul qu’elle est dégagée de toute contrainte, l’Église catholique aux États-Unis est encore, est toujours une Église de « missionnaires. » « En avant, telle est sa devise ! a écrit le cardinal Gibbons, her motto is onward[1]. » Non moins attentive qu’en Europe à garder et à cultiver ce qu’elle possède, elle veut encore en Amérique étendre ses frontières et acquérir de nouveaux domaines. S’il n’y a pas d’ambition plus généreuse et plus noble, on a vu qu’il n’y en avait pas, depuis cent ans, de mieux récompensée. On n’y saurait trop applaudir, ni trop l’encourager ! Mais si les moyens qui se sont trouvés bons en Amérique le sont ailleurs, ou s’ils le seront toujours et partout, c’est une autre question, très différente, et il y faut regarder de plus près.


III

Que penserons-nous donc, par exemple, de la participation de l’Église catholique des États-Unis, en 1893, au Congrès des religions de Chicago ? Depuis son intervention dans l’affaire des Chevaliers du travail, aucun des actes qu’elle ait accomplis en commun ou en corps, n’a eu plus de retentissement en Europe ; et n’y a d’ailleurs été plus diversement, ni plus faussement interprété. Car, avons-nous pu vraiment croire que, de la confrontation de toutes les religions ensemble, y compris le catholicisme, les évêques d’Amérique se fussent proposé d’extraire, par des procédés analogues à ceux d’Ernest Renan, ce que l’on pourrait appeler la religion minimum ? Nous aurions dû réfléchir en tout cas qu’il n’était pas besoin pour cela d’être catholique, ni même chrétien, mais seulement philosophe, et philosophe à la manière de Jules Simon ou de Victor Cousin ! Les évêques d’Amérique ne se sont pas proposé davantage de chercher entre le catholicisme et le protestantisme « un terrain de conciliation : » premièrement, parce qu’ils considèrent, — je cite ici les propres paroles de Mgr Ireland, — que, « comme système religieux, le protestantisme est dans un état de dissolution irrémédiable, dénué de toute

  1. Voyez l’Ambassadeur du Christ, traduction française de l’abbé André ; Paris, 1897, Lethielleux, ch. XXVII.