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914 000 de 1851 à 1860. Et il est vrai qu’enfin il est difficile de manier les chiffres, tant il y a de façons, et si ingénieuses, de les assembler ! Mais pourtant, de ceux que nous venons de citer on ne peut s’empêcher de conclure que les conversions doivent avoir aussi leur rôle dans le développement du catholicisme aux Etats-Unis. En 1837, les Pères du concile de Baltimore parlaient déjà des nombreuses conversions des protestans au catholicisme. Le cardinal Gibbons les évalue à 7 ou 800 dans le seul diocèse de Baltimore, qui n’est pas un des plus nombreux, — les catholiques n’y sont pas plus de 250 000 ; — et pour l’Union tout entière à une trentaine de mille par an[1].

Qui dira les mystères de l’âme ? comment on se détache d’une croyance, ou comment on y vient d’une autre ? et nous-mêmes, le savons-nous toujours ? « La doctrine de Rome touchant le purgatoire est une chose vaine, » dit un article de l’Eglise anglicane ; et des Anglicans se sont convertis au catholicisme pour n’avoir pas pu continuer d’appartenir à une Eglise « qui n’admet point les prières pour les trépassés[2]. » En Amérique même, celui-ci, cet Orestes Brownson, que les évêques d’Amérique appellent leur « grand publiciste catholique et américain, » a demandé au catholicisme la réponse que ni le kantisme, ni l’hégélianisme, ni le transcendantalisme n’avaient pu donner à ses angoisses métaphysiques ; et celui-là, le Père Hecker, y a cherché la satisfaction que le protestantisme orthodoxe ne donnait pas à ses « aspirations sociales[3]. » On en a fait l’apôtre de l’individualisme, et il n’est devenu catholique que pour avoir vu dans le catholicisme ce que l’on a depuis lors appelé le « christianisme social ! » Un autre encore disait récemment : « Je commencerai par cette déclaration surprenante que « je suis devenu chrétien parce que j’étais darwiniste » ou mieux : « C’est une conclusion darwiniste qui m’a fait accepter la vérité du christianisme[4]. » En réalité, sachons-le bien, toute conversion est affaire individuelle ; et nous n’avons rien qui nous soit plus personnel à chacun que nos motifs de croire, ni qui échappe plus complètement, sinon peut-être à toute analyse, du moins à toute généralisation. Que si

  1. L’Ambassadeur du Christ, traduction française de l’abbé André, p. 456.
  2. Comment j’entrai au bercail (How I came home), par lady Herbert of Lea, traduction française de L. de Beauriez ; Paris, 1898, Perrin, p. 59, 60.
  3. Voyez la Vie du P. Hecker, traduction française, p. 30.
  4. Johannes Jorgensen, le Néant et la Vie, traduction de M. P. d’Armailhacq ; Paris, 1898, Perrin.