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faisait avec raison la caractéristique de la nutrition et le trait distinctif de la vie.

Cette notion du circulus de matière a été complétée de notre temps par celle du circulus d’énergie. Tous les phénomènes de l’univers, et par suite ceux de la vie, sont conçus comme des mutations énergétiques. On les envisage dans leur enchaînement, au lieu de les considérer isolément, à la façon ancienne ; chacun a un antécédent et un conséquent, auxquels il est lié en grandeur par une loi d’équivalence que la physique contemporaine a fait connaître ; et ainsi, l’on peut concevoir leur succession comme la circulation d’une sorte d’agent indestructible qui change seulement d’apparence ou de déguisement en passant de l’un à l’autre, mais qui se conserve en grandeur ; c’est l’énergie.

Le résultat le plus général des études de chimie physiologique a été de nous apprendre[1] que l’antécédent du phénomène vital est toujours un phénomène chimique. Les énergies vitales tirent leur origine de l’énergie chimique potentielle accumulée dans les principes immédiats constitutifs de l’organisme. De même, le phénomène conséquent du phénomène vital est, en général, un phénomène calorifique : l’énergie vitale aboutit à l’énergie thermique. Ces trois affirmations — relatives à la nature, à l’origine et au terme des phénomènes vitaux — constituent les trois principes fondamentaux, les trois lois de l’énergétique biologique.

La place de l’énergie vitale dans le cycle de l’énergie universelle est, de ce chef, parfaitement déterminée. Elle se classe entre L’énergie chimique qui en est la forme génératrice, et l’énergie calorifique qui en est la forme de disparition, de déchet, la « forme dégradée, » selon l’expression des physiciens. De là une conséquence qui va trouver son application immédiate dans la théorie de l’aliment. C’est à savoir, que la chaleur est, dans l’ordre dynamique, un excretum de la vie animale rejeté par l’être vivant, comme dans l’ordre substantiel, l’urée, l’acide carbonique et l’eau sont des matériaux usés et encore rejetés par lui. Il ne faut donc point parler de transformation dans l’organisme animal de la chaleur en énergie vitale, comme tant d’auteurs le répètent chaque jour ; ni même, comme le faisait autrefois Béclard, de sa transformation en mouvement musculaire ; ou comme d’autres

  1. Voir la Théorie de l’énergie et le monde vivant dans la Revue du 1er mai 1898.