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comme disent les Anglo-Saxons. Entraîné de cascade en cascade, le gravier aurifère s’est accumulé de préférence dans les tournans ou près des embouchures ; mais, pour s’en emparer, il faut toujours creuser plus ou moins, creuser sous la brousse, creuser sous la mousse, creuser dans la tourbe et dans le sable, jusqu’à ce que l’on soit arrêté par le roc, qui apparaît tantôt à 10 pieds de profondeur, tantôt à 20, tantôt à 30. Ce vaste banc de schiste micacé, dont on ignore l’épaisseur, est loin de former un bloc uni. On dirait que de formidables coups de marteau en ont écrasé la surface, réduite en galets plats qu’accompagne un sable noir et dense. C’est dans cette couche transitoire, comprenant la partie inférieure du gravier et la partie supérieure du schiste, que le métal est le plus abondant. Sur l’Eldorado Creek, dans un claim souvent cité, on faisait, à seize pieds du sol, de 2 fr. 50 à 10 francs par écuelle ; à vingt pieds, de 10 à 40 francs ; à trente pieds, 50 francs, 100 francs et jusqu’à 200 !

La première corvée qui s’impose est donc le forage, au pic, d’un sol à ce point durci que la poudre et la dynamite ne l’entameraient pas. Même en juillet, quand le thermomètre marque à l’ombre 400 degrés Fahrenheit, soit 38 degrés centigrades au-dessus de zéro, l’ardeur des rayons solaires est impuissante à dégeler la terre, si on ne l’a pas préalablement dépouillée du matelas végétal qui la recouvre. Dans le principe, les fouilles ne commençaient qu’avec l’été ; à présent, les chantiers bien menés chôment d’autant moins en hiver que les puits n’ont plus alors à redouter l’invasion des eaux. Chaque soir, s’il le peut, à partir de décembre, le mineur va allumer au fond de son trou un feu de bois et, le lendemain matin, il y redescend pour gratter ce que le feu de la nuit a rendu attaquable. Une fois parvenu au rocher, il continue horizontalement, et toujours avec le secours du feu, l’enlèvement graduel du minerai. Le puits s’élargit ainsi, à sa base, jusqu’à mesurer trente pieds de diamètre. Quand le lit aurifère est de faible épaisseur, il faut se mettre à genoux pour piocher ou même se tenir couché dans la cendre ; mais, tant que les grands froids persistent, aucun éboulement n’est à craindre, car la masse du sol reste pétrifiée. Les puits doivent se faire deux par deux, avec communication souterraine, pour qu’il y ait tirage et ventilation. On peut, pendant l’hiver, pratiquer des excavations au cœur même des rivières, alors intégralement solidifiées, et en scruter ainsi le fond.