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Rien n’aurait été facile comme d’englober les filles-mères dans la catégorie des extra-statutaires. Tout serait ainsi concilié, et il n’y aurait pas lieu de faire aux statuts mêmes de la société une objection dans laquelle je persiste, dût-elle à certains yeux paraître un peu puritaine.

Statutaires ou extra-statutaires participent aux secours de la société moyennant une cotisation annuelle de trois francs. Ce chiffre est excessivement bas. Les fondateurs de la société l’ont fixé à ce taux, parce qu’ils ont voulu rendre la société accessible non pas seulement à l’ouvrière qui gagne de trois à quatre francs par jour ou plus, mais à la vraie ouvrière parisienne, à celle dont le salaire misérable oscille entre deux et trois francs, et encore à la condition qu’elle puisse donner toute sa journée au travail à l’atelier ou chez elle, et que, les soins du ménage absorbant une partie de son temps, elle n’en soit pas réduite à ne gagner que 1 franc ou 75 centimes par jour en travaillant aux pièces pour la confection. C’est à celles-là surtout qu’ils se sont proposé de venir en aide. Ils y ont réussi. Je m’en suis assuré en assistant dans les bureaux de la société au défilé de leur triste clientèle. Une de ces femmes m’a particulièrement frappé par son air mélancolique et décent, alors qu’accablée sous le double fardeau de sa maternité et de sa misère, elle écoutait les paroles consolantes de la directrice. Je consultais son dossier. Elle avait eu onze enfans, dont neuf étaient encore vivans. Mais celle-là était encore une heureuse, car le mari, mécanicien, gagnait six francs par jour. Une autre, qui avait à peu près autant d’enfans, était femme d’un terrassier qui ne gagnait que quatre francs cinquante. J’ai feuilleté d’autres dossiers encore, et partout j’ai pu trouver confirmation de ce fait dont la démographie pourrait bien faire une loi : que ceux-là ont le plus d’enfans qui ont le moins de ressources pour les élever. Quoi qu’il en soit, il est certain que la Mutualité maternelle rend de sérieux services à ses 1 762 participantes ; mais leurs cotisations ne figurent que pour une faible part dans ses ressources. Ces cotisations ont produit, en 1897, la somme de 5 298 francs. Les dépenses ont été en chiffres ronds de 57 000. Comment a-t-il été fait face à l’écart ? D’abord, comme dans toutes les sociétés de secours mutuels, avec les cotisations des membres honoraires. Mais elles n’ont produit que 7188 francs. Restait un écart de 45 000 francs à combler. Les subventions des pouvoirs publics (5 000 fr.) n’y ont pas suffi et il a fallu avoir recours aux grands moyens, c’est-à-dire à une