Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 150.djvu/541

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

loterie qui a produit 37 000 francs. A quoi aura-t-on recours l’année prochaine ? Sans doute à une loterie encore. Rien de mieux, mais peu à peu la Mutualité maternelle devient ainsi une société de bienfaisance vivant presque exclusivement de la charité publique, et se distinguant des autres par cette seule particularité qu’elle limite ses bienfaits à une catégorie d’assistées à qui elle demande de faire de leur côté acte de prévoyance. Ceci n’est pas une critique. Au contraire, c’est un éloge, car il y a là une forme nouvelle et très intelligente de la bienfaisance. Mais si j’avais entretenu, comme certains philanthropes, l’illusion de croire que la mutualité fût, à elle seule, de force à parer aux épreuves féminines, et en particulier à la plus fréquente de toutes, l’étude que j’ai faite des comptes de la Mutualité maternelle aurait suffi pour dissiper cette illusion.


IV

Combien les trois sociétés dont je viens de parler comptent-elles de participantes ? A s’en tenir aux indications données par le dernier rapport sur les sociétés de secours mutuels, leur nombre ne dépasserait pas 2 858. Depuis deux ans (et c’est là en soi-même un heureux symptôme), ce nombre s’est accru de quelques centaines. Mettons qu’il soit aujourd’hui en chiffres ronds de 3 200. Il n’existe pas, à ma connaissance, d’autres sociétés de secours mutuels composées uniquement de femmes, au moins dans le milieu des ouvrières proprement dites[1]. Or, dans la seule industrie de l’habillement et de la toilette, le nombre des ouvrières, d’après le dernier dénombrement de la ville de Paris, s’élève à plus de trois cent mille (exactement 303 771). On voit combien est faible, et, pour dire le mot, dérisoire, la proportion de celles qui participent aux bienfaits de la mutualité.

Cette faible proportion n’a pas, il faut le reconnaître, pour cause unique l’exiguïté du salaire féminin. Assurément il n’est pas facile à toutes les ouvrières de prélever sur leurs maigres gains les dix-huit ou les vingt-cinq francs nécessaires pour se faire inscrire à la Parisienne ou à la Couturière. L’inconstance d’humeur, la légèreté, ou des exigences déraisonnables entrent

  1. Je crois devoir en effet laisser de côté, comme se recrutant dans un monde différent, la Société des demoiselles employées dans le commerce. Cette société très florissante compte 215 membres honoraires et 437 membres participantes.