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les sociétés de secours mutuels entre femmes pourront-elles arriver à constituer des caisses de prêts gratuits, ou à ouvrir des cercles, puisque vous dites vous-même qu’elles ont déjà beaucoup de peine à faire face à leurs dépenses obligatoires ? Comment ? D’une façon bien simple. Par la plus grande libéralité de leurs bienfaiteurs, et en particulier par l’augmentation du nombre de leurs membres honoraires. Telle est en effet la conclusion positive et pratique à laquelle je me proposais d’arriver. En entreprenant cette étude, et en démontrant l’impuissance de la mutualité entre femmes réduite à ses propres forces, je n’ai point tendu à ce but de décourager le mouvement mutualiste en lui-même, et d’établir l’inanité de la prévoyance. Bien au contraire. J’ai voulu venir en aide, dans la modeste mesure de mes forces, à un nouvel ordre d’idées que je crois juste et qui pourrait se résumer en cette formule : Aide-toi, la charité t’aidera.

Associer la charité à la mutualité est une idée féconde. Avec ses seules ressources, la mutualité ne saurait en effet répondre à tous les besoins auxquels on lui demande de pourvoir. Il y faut encore adjoindre la charité, cette « charité surhumaine, » dont à un petit groupe de démocrates chrétiens l’illustre prisonnier du Vatican rappelait naguère la nécessité, sans doute pour corriger quelques-unes des interprétations téméraires auxquelles son Encyclique sur la condition des ouvriers a donné lieu. En tenant ce langage, il ne donnait pas seulement un haut enseignement moral ; il proclamait encore une vérité économique. Sans la charité, en particulier, la mutualité entre femmes ne saurait vivre. C’est là un fait qu’il était peut-être bon de mettre en lumière, non pour décourager la mutualité, mais pour encourager la charité.

Ajouterai-je que dans un temps où la division des esprits semble nous menacer de discordes civiles, cette association est un effort commun auquel on peut convier les esprits de bonne foi et les âmes de bonne volonté ? Sur la liste des membres des sociétés de secours mutuels, participans ou honoraires, figurent, à côté d’ouvriers et d’ouvrières, des noms catholiques, protestons, israélites, qui se retrouvent en paix. Ainsi le terrain de la charité demeure le dernier refuge de ceux qui ne veulent point connaître la haine. Il se pourrait que ceux-là devinssent un jour le noyau d’un parti vraiment national.


HAUSSONVILLE.