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plus qu’un voyageur aux pays du Nord ; Varin, qui exposait l’histoire des temps mérovingiens ; Le Huérou, un savant vraiment capable d’éveiller en ses élèves le sens de l’histoire, ces noms, — dont quelques-uns sont connus de tous, — étaient restés familiers au maître. Je l’ai même entendu rappeler un cours libre de langue hébraïque, — peut-être y fut-il question de Qaïn et d’Akkab ? — et qui s’ouvrit en effet le 2 février 1839. MM. Lepoitvin, Gougeon et Morel, quand l’élève Leconte de Lisle ne brillait à leurs cours que par son absence, auraient pu le faire chercher aux cours de leurs collègues des Lettres. Un petit groupe de jeunes gens s’y donnait rendez-vous, sauf à se retrouver encore vers la fin du jour dans la boutique de l’horloger Alix.

Cet Édouard Alix était poète, et son album, qui m’a été communiqué, est le tombeau où dorment les premières ébauches de ces jeunes gens : Laissez chanter l’oiseau, de Victor Lemonnier ; Mes vœux, de Yilleblanche ; La Fleur, de M. Mille ; d’autres vers d’Émile Langlois, d’E. du Pontavice et deux courtes pièces de Leconte de Lisle. Que le tombeau reste fermé sur ces vers du maître et, si nous en avons soulevé la pierre, que ce soit uniquement pour y prendre deux strophes et à seul titre de curiosité !


L’heure est venue où la brune vallée
N’a plus d’échos pour les adieux du jour,
Où la candeur aux cieux s’est envolée,
Où tout s’enfuit de l’âme désolée,
        Même l’amour !

Ô revenez, mes joyeuses chimères !
Oiseaux dorés, célestes passagers,
Tendez vers moi vos ailes éphémères ;
Venez bercer mes tristesses amères
        De chants légers !

                            C. Leconte de Lisle.


Tous ces poètes collaboraient plus ou moins à un petit journal, Le Foyer, qui se fondait à Rennes au moment même où Leconte de Lisle y arrivait pour passer son baccalauréat (15 novembre 1837). Chaque numéro était imprimé sur un papier de couleur différente, ce qui faisait dire à l’un des rédacteurs : « Nous pouvons nous flatter d’en faire voir à nos abonnés de toutes les couleurs. » Le Foyer paraissait tous les dimanches pendant la saison théâtrale. Tout s’y contait « sans le voile de l’anonyme » et certains numéros