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les racines et à l’ascension de la sève. Les botanistes, à l’exemple de Sachs, avaient vainement tenté d’attribuer cette montée des liquides nutritifs à l’action des forces capillaires ; mais celles-ci sont manifestement insuffisantes lorsqu’il s’agit du transport des liquides depuis le sol jusqu’à la cime des grands arbres. En thérapeutique, on rend compte de la même manière de l’action purgative des sels neutres diffusibles, tels que le sulfate de soude, qui déterminent à travers la paroi de l’intestin un courant osmotique, et un abondant afflux de l’eau du sang. Il n’est pas nécessaire de multiplier davantage les exemples particuliers ; ceux-ci suffisent à justifier les paroles de Dutrochet : « L’endosmose est un phénomène physique affecté par la nature aux corps organisés. » Mais ce que l’auteur de la découverte de l’osmose n’avait peut-être pas prévu, c’est que ce phénomène était appelé à prendre, dans la physique générale, une place qui n’est pas moindre que dans la biologie. Les débuts de ce développement inattendu de la théorie osmotique ne remontent pas au-delà d’une dizaine d’années.


II

La question de l’osmose n’est pas, en effet, une question isolée intéressant les chimistes et les physiciens, ni plus ni moins que toute autre : c’est en quelque sorte un problème central, une colonne de l’édifice. Elle est devenue comme le carrefour et le nœud d’une science particulière. Celle-ci, la chimie physique ou physicochimie, s’est taillé son domaine, depuis vingt-cinq ans, sur les confins des deux sciences autrefois distinctes qu’elle rattache et relie entre elles. Il existe aujourd’hui, dans la plupart des Universités, à côté des chaires de physique et de chimie, un enseignement spécial de la physico-chimie. C’est le cas pour l’Université de Paris. Un cours de chimie physique a été créé à la Faculté des sciences, grâce à l’heureuse initiative d’un député de Paris, M. Denys Cochin, qui n’a pas oublié au milieu de ses nouveaux devoirs ses anciennes études de prédilection. La chimie physique s’est donc constituée partout comme une branche particulière ; elle a son organisation propre, son programme d’études, ses laboratoires, et ses publications périodiques. Elle a aussi ses représentans éminens, parmi lesquels nous nous bornerons à citer M. Raoult, en France, et M. J.-H. van t’Hoff en Hollande.