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étendu, s’est dilaté, pour se répartir uniformément dans tout le volume de l’eau qui lui est offert. Si le goût devient impuissant à déceler la substance dissoute ainsi raréfiée, des moyens plus pénétrans, des réactifs chimiques plus délicats, réussiront à montrer qu’elle existe en nature, avec ses propriétés caractéristiques, dans toute l’étendue de la liqueur. Et lorsque ces procédés d’investigation, plus subtils, cessent eux-mêmes de répondre, on peut accuser leur imperfection et supposer encore l’uniforme diffusion du sel dans l’espace liquide.

Toutefois, cette diffusion de la substance dissoute a ses limites, plus proches qu’on n’imagine : son extensibilité n’est point indéfinie, ou du moins elle n’est pas indéfiniment compatible avec le maintien de sa constitution et la conservation de ses propriétés. La substance composée, le sel, se résout en ses constituans ; elle se dissocie d’une certaine manière en ses composans. Cette dissociation offre un caractère particulier. Elle est précisément la même qui se produirait sous l’influence du courant électrique ; les élémens de la substance dissoute se séparent dans le même ordre de groupement qu’aux deux pôles de la pile ; la décomposition s’opère en groupes électrolytiques, en ions, comme l’on dit aujourd’hui. Mais ce n’est pas encore le moment de parler de cette singularité qui vient mêler l’électrolyse au problème de la constitution des solutions et ajouter un nouvel ordre de phénomènes à tous ceux qui, déjà, gravitent autour de l’osmose.

Réserve faite de cette dissociation possible de la substance dissoute, le caractère du phénomène de dissolution c’est, d’après les explications précédentes, de s’accompagner d’une diffusion qui peut être indéfinie. Le corps, tout à l’heure solide, subit un changement d’état, une extension presque illimitée. Ses particules constitutives, ses molécules physiques, s’écartent de plus en plus et, pour ainsi dire, sans terme. La limitation du volume, — sa conservation à température constante, — c’est le trait distinctif de l’état solide et de l’état liquide : les gaz au contraire sont caractérisés par l’illimitation du volume qui tend toujours à s’accroître et n’a d’autres bornes que celles du récipient qui les contient. C’est précisément là la condition de la substance dissoute, et l’on commence à concevoir qu’il ait pu venir à l’esprit d’un physicien d’assimiler son état à l’état gazeux.

Cette analogie prendra un caractère plus frappant si nous appliquons notre attention au mouvement même de