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aux travaux d’entretien de la ville et des compagnies de chemins de fer, travaillant toute l’année et se considérant presque comme des fonctionnaires ou des employés. Parmi eux il y a des ouvriers d’élite, spéciaux pour certains travaux. C’est un petit monde en général très tranquille, très économe et très rangé, vivant en famille et se préoccupant de l’avenir. Puis viennent les simples manœuvres employés aux travaux extraordinaires, mais également domiciliés dans Paris et occupés d’une manière à peu près permanente. Enfin, pour tous les travaux nouveaux, c’est la foule nomade des terrassiers, des chemineaux, qui passent de chantiers en chantiers, pauvres gens arrachés aux champs et le plus souvent déclassés, vivant au jour le jour, dans des alternatives de gaspillage insouciant et de misère, qui s’en vont mendiant le long des grandes routes de France.

Ces différentes catégories, pour des raisons différentes, sont assez réfractaires à toute organisation. Les ouvriers attitrés de la Ville redoutent de se compromettre dans les syndicats ; les autres n’ont pas assez de fixité dans leur travail et dans leur salaire pour se plier à la discipline corporative ; et la grande masse des chemineaux, sans domicile et sans lendemain, n’a ni le désir ni la possibilité de faire partie de semblables associations.

Cependant, il existait, au moins sur le papier, un commencement d’organisation, et, en septembre dernier, les terrassiers étaient représentés par quatre syndicats régulièrement constitués et ayant déposé leurs statuts conformément à la loi du 21 mars 1884. C’étaient : 1° La Chambre syndicale des ouvriers puisatiers, mineurs et terrassiers du département de la Seine, créée en 1888. Siège social, Bourse du Travail ; nombre des adhérens déclaré, 110 membres. 2° L’Union des ouvriers terrassiers, puisatiers, mineurs du département de la Seine, créée en 1894. Siège social, Bourse du Travail ; 86 membres. 3° Chambre syndicale des ouvriers démolisseurs français, créée en 1896. Siège social, 211, boulevard de la Gare ; 153 membres. 4° Le Syndicat national des ouvriers des ports, entrepôts et magasins généraux, créé en 1897. Siège social, Bourse du Travail ; 10 membres. On voit qu’il ne s’agit là que d’une organisation rudimentaire et que ces quatre syndicats, qui réunissent à eux quatre moins de 400 adhérens, ne sauraient être considérés comme représentant un groupe qui, à Paris seulement, comptait de 50 000 à 60 000 travailleurs. C’est un des plus grands dangers de l’état inorganique du monde actuel du travail que