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n’est plus possible de la réduire à l’étroitesse d’un seul principe ou même d’une seule alliance. Mais nous n’avons pas tiré de ces accidens les conséquences grandioses qu’en tire M. Chamberlain lorsqu’il s’écrie : « Je pense que nous pouvons espérer qu’à l’avenir la plus grande puissance navale du monde et la plus grande puissance militaire auront des rapports de plus en plus fréquens et que leur influence combinée pourra être employée en faveur de la paix, etc. » Ce bel enthousiasme n’est pas aussi communicatif qu’on pourrait le croire, et M. de Bulow, dans le discours qu’il vient de prononcer au Reichstag, ne semble le partager qu’avec discrétion. « Le concert que nous avons établi sur certains points avec l’Angleterre ne porte pas préjudice, dit-il, à de très précieuses relations avec d’autres nations. » Mais quel magnifique tableau ! La plus grande puissance maritime du monde, la plus grande puissance militaire du monde, le plus grand des États civilisés, — ce sont les États-Unis que M. Chamberlain désigne ainsi, — enfin la Russie, et même le Japon, car il ne faut rien négliger, tel est le prodigieux faisceau de forces diverses que compose l’orateur de Wakefield, un peu pour en éblouir ses compatriotes, et un peu aussi pour nous en intimider. Peut-être les premiers s’en laisseront-ils émerveiller, mais nous n’avons aucune raison de nous en laisser effrayer. N’ayant de mauvais desseins ni contre l’Allemagne, ni contre la Russie, ni contre les États-Unis, ni contre le Japon, ni même contre l’Angleterre, nous croyons qu’aucun de ces pays ne peut en avoir contre nous, et, pour la plupart d’entre eux, nous en sommes même parfaitement certains. Nous croyons de plus que, même quand on possède d’aussi puissantes amitiés, et, à supposer qu’elles soient toutes parfaitement sincères et solides, celle de la France conserve néanmoins sa valeur propre, et que ce n’est pas faire preuve d’une grande sûreté, ni d’une grande noblesse d’esprit que de la traiter comme négligeable.

Cela dit, nous en revenons toujours à demander ce que l’Angleterre veut de nous. Il est impossible de rester longtemps encore dans l’état où elle nous entretient et s’entretient elle-même. Si elle n’a plus rien à nous demander, qu’elle mette fin à des polémiques sans objet. Si, au contraire, elle estime qu’il y a lieu de régulariser avec nous un certain nombre de questions, qu’elle le dise sans tant de fracas. Elle trouvera de notre part le même esprit que par le passé. Les dernières circonstances, quelque désobligeantes qu’elles aient été pour nous, n’ont pas modifié nos dispositions. Il semble que le moment soit propice pour revenir à une politique normale. Nous avons envoyé