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VI

Nous venons d’étudier, un peu sommairement peut-être, les dispositions essentielles d’un théâtre antique ; nous savons à peu près ce que c’est que le pulpitum ; il est temps d’y introduire les acteurs qui vont représenter la pièce et de faire quelque connaissance avec eux. La connaissance sera bientôt faite, car leur nombre n’est pas considérable. Apulée, dans une de ces phrases maniérées et balancées, dont il a l’habitude, en nomme douze[1] ; mais il est facile de voir que le goût qu’il a pour les assonances et la symétrie l’a entraîné trop loin, il y a plus d’un double emploi dans sa liste , en réalité, ils ne sont guère que huit ou neuf. Ce personnel réduit suffit aux pièces anciennes. Naturellement le public, qui les voyait reparaître sans cesse devant lui, était devenu très familier avec eux ; ajoutons que, pour qu’il ne pût pas s’y tromper, on leur avait arrangé un costume qui du premier coup les faisait reconnaître. L’usage des masques ne devint général à Rome qu’un peu plus tard, et les acteurs tragiques ou comiques, qui cherchaient avant tout à se grandir, en étaient réduits à se coiffer de vastes perruques, qui différaient d’après l’âge et la condition des personnages : les vieillards la portaient blanche, les jeunes gens blonde, les esclaves rousse. C’était une première indication, et qui s’aperçoit de loin ; en voici d’autres, encore plus significatives. L’esclave est vêtu d’une tunique courte et d’un petit manteau qu’il rejette sur l’épaule pour courir plus vite quand il est pressé ou qu’il fait semblant de l’être (servus currens). Le manteau du parasite est plus étoffé, pour qu’il puisse s’en draper à l’occasion et paraître un homme grave ; il a quelquefois un bandeau sur l’œil, ou même il est tout à fait borgne : c’est le triste résultat d’une de ces batailles qui se livrent à la fin des repas, où on lui jette des bouteilles à la tête sans pouvoir lui faire quitter la place. Le capitan (Miles gloriosus) est couvert d’une chlamyde rouge et porte une sorte de toque crânement posée sur sa tête. Quant au souteneur (leno)[2], « l’exécration des dieux et des

  1. Voici la curieuse phrase d’Apulée : Leno perjurus, et amator fervidus, et servus callidus ; et amica illudens, et uxor inhibens, et mater indulgens ; et patruus objurgator, et sodalis opitulator, et miles præliator ; sed et parasiti edaces, et parentes tenaces, et meretrices procaces.
  2. Je ne trouve pas d’autre expression pour désigner le leno, qui tient tant de place dans les comédies antiques ; je serais plus à mon aise, si l’on pouvait parler aujourd’hui la langue du xvie siècle.